05/04/2021

CE MATIN-LÀ de Gaëlle Josse

 J'ai rencontré l'écriture de Gaëlle Josse en lisant Le dernier gardien d'Ellis Island, c'était en 2015 et déjà chez Notabilia. 

Au-delà du "fait historique", cette lecture fut pour moi l'occasion de découvrir l'art de raconter de cette autrice.

Avec Ce matin-là, elle s'attaque à la question de l'épuisement professionnel. Cette sombre plaie drainée par notre hyper moderne histoire collective, par notre société malade, gangrénée par le profit à tous prix (jusqu'au non-sens). Par notre société de la performance, celle qui laisse de moins en moins de place aux écorchés, aux plus lents, aux plus doux, aux plus faibles, aux mélancoliques etc.

En déposant de façon si pudique cette épigraphe : "A ceux qui tombent" Josse annonce qu'elle va prendre le temps de fabriquer une sorte d'écho à ces souffrances-là.

Nous allons rencontrer et accompagner Clara. Depuis ce matin particulier au cours duquel la simple panne de sa voiture va lui dévoiler sa panne générale à elle jusqu'à la lisière de ce qui sera une sorte de renaissance, voire une nouvelle vie.

Le roman est construit en cinq parties. Chacune d'entre elles contenant des sous parties, courtes comme on poserait un pas et puis l'autre, fragile, bancal, en convalescence. L'arrêt brutal dans la vie de cette femme, va l'obliger à tout revoir, tout repenser. Elle va devoir réapprendre. Elle va devoir s'écouter et se faire confiance. Ce sera lent, douloureux parfois et si riche. 

Les parents, le frère, les amis, l'amoureux et le centre c'est elle, l'avait-elle oublié ? L'absurdité de son quotidien frappé de cette obligation de résultat, lui aurait-il subtilisé cette faculté de façon si insidieuse ?
Josse questionne.

Son écriture va jusqu'à absorber cette difficulté à vivre et c'est très réussi. On trébuche à nos tours sur des phrases qui peut-être, permettent d'approcher, l'ampleur du saccage. Et c'est troublant particulièrement troublant.

"Toute la ville est dehors, à marcher, trotter, courir, s'arrêter aux vitrines, aux feux, entrer et sortir des boutiques, des cafés, des brasseries. Elle se demande où vont les gens, ce qu'ils font, pressés, nonchalants, distraits, affairés, des amies qui partagent un déjeuner, des enfants qu'on vient d'aller chercher à l'école, des solitaires qui parlent au téléphone. A quoi ressemblent leur vie ? Elle se dit qu'elle aimerait échanger la sienne contre n'importe quelle autre, au hasard, dans une sorte de pacte, comme dans les légendes. Sa vie aux enchères à qui la veut.

Cette chanson là est soufflée dans le livre, je ne me prive pas pour la réécouter : 

 

 
 
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