04/09/2018

DANS SON JUS - VOYAGE SUR LES ZINCS de Cendrine Bonami-Redler & Patrick Bard

On les imagine très bien tous les deux, dans un de ces bistrots parisiens qu’ils affectionnent tant, encore “dans son jus” comme le formule si joliment leur carnet de voyage “sur les zincs”, elle ayant étalé son matériel, feutres et carnet de croquis, à côté de son grand crème, sur une table d’angle, piquant la curiosité du patron et des habitués du lieu, lui un ballon de rouge à la main, circulant de l’un aux autres, glanant anecdotes et vérités définitives au cours de conversations décousues, ou bien assis à ses côtés, remuant sa boisson en même temps que ses souvenirs, le silence à peine perturbé par le percolateur et le crissement furtif du feutre sur la feuille Canson.

C’est qu’à l’heure des fermetures, démolitions, relookings et autres starbuckeries (objet d’un excellent documentaire :
  https://www.arte.tv/fr/videos/073442-000-A/starbucks-sans-filtre) ils ont réussi à dénicher à Paris et sa proche banlieue une soixantaine de ces rades, troquets, caboulots et autres estaminets à l’ancienne où il fait bon créer sa soif et étancher ses souvenirs.

Alors que l’illustratrice, crayonnant rapidement tables, chaises et déco murale, ne représentant ni patron, ni serveur, ni client, se focalise sur le coeur du réacteur, le bar, le comptoir, le sol alentour (du carrelage, forcément du carrelage) dans une ode au Formica, au bois patiné et à l’inamovible tireuse, l’auteur peuple ces univers d’anecdotes personnelles touchantes, de références historiques savoureuses, de scènes vécues de la bohème artistique et intellectuelle, de bande-son et de portraits de proprio, de brèves de comptoir et d’évocation des gogues, dressant par là-même l’épopée kaléidoscopique des cafés parisiens.
Même si ses courts textes n'en sont pas dénués, on aurait juste aimé voir évoquer un peu plus cette gouaille et ce panache popu indubitablement liés à ces lieux où l'on aime jacter autour d'un bon jaja.

“Ne demandez pas un mojito au "Petit Choiseul”, c'est pas le genre de la maison. On y sert plutôt des bières comme la Gallia, brassée à Pantin, ou la Sabetz au goût de litchi. Puisqu'on vous le dit ! Il y a peu, l'endroit était encore un boui-boui qui servait des plats cuisinés chez Agrigel. Mais le nouveau maître des lieux a requinqué le décor fifties de cet estaminet en lui donnant un supplément d'âme.“

Enfin, félicitations, une fois de plus, au remarquable travail de l'éditeur.

Signé: Lolqat

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