Croire ou ne pas croire au mirage ?
Le phénomène start-up interroge la transition dans un nouveau monde.
Mathilde
Ramadier, jeune philosophe à l'ENS et diplomée en arts graphiques, nous
fait partager son expérience à travers un récit, Bienvenue dans le nouveau monde, comment j'ai survécu à la coolitude des start-ups, aux éditions Premier Parallèle.
Résidant à Berlin, elle décrit le travail au sein d'une de ces start-ups, surnommée également licorne, qui vient de la recruter. Pourquoi
"licorne" ? Il s'agit dans notre nouvelle économie, de ces petites
entreprises qui atteignent une valorisation d'un milliard de dollars !
Phénomène rare et relié à l'imaginaire, telle la licorne, animal
officiellement mythologique, à la fois précieux, puissant et fascinant.
Enjoy,
welcome kit, team, cool, french tech, manager, winner, business,
turn-over, etc. sont les maîtres-mots de cette novlangue et de ces
nouvelles structures avec la présence même symbolique, de leur référente
lointaine, la Silicon Valley et son sentiment d'appartenance à
l'entreprise, communément appelée "la famille" ! Incarner la start-up de
tout son être sinon au revoir.
Chaque
matin, la manager qualité (cf "quality manager") convoque les salariés à
l'affût des performances pour évaluer un résultat quantitatif et non
qualitatif, avec comme rançon du succès un bon d'achat de 100 euros sur
Amazon (la grande licorne ;-)) pour le meilleur d'entre eux. "La
flexibilité est le mot d'ordre de ce nouveau capitalisme sauvage propre
aux start-ups". Pourtant nombre de jeunes actifs sont diplômés et
polyglottes, "mais tristement, on ne parle qu'anglais dans les start-ups
berlinoises et, en l' occurence, un anglais d'une pauvreté affligeante,
le fameux globish, cette nouvelle langue mondialisée qui sert avant tout
au business. La grammaire n'est plus un obstacle et le vocabulaire
s'assimile rapidement."
La
compétition est la dure loi du marché, et rien n'arrête la start-up The
Family, qui en outre n'hésite pas à mettre en concurrence ses employés.
Les logiciels sont omniprésents dans les choix décisionnels et répondent
au diktat de l'immédiateté. Mathilde Ramadier nous décrit cet étrange
univers comme si nous y étions. Plus que jamais "le concept de
l'homme-sandwich version 2.0" caractérise ce type d'entreprise.
Le
savoir et l'expérience n'ont désormais plus leur place dans ce nouveau
système, "on ne vieillit pas dans une start-up, on doit être jeune et le
rester". A bon entendeur, salut !
Et
pour ceux qui veulent toutefois prolonger leur lecture dans cette
thématique, je vous conseille deux ouvrages, un essai de Nicolas Hazard
& Anne Rodier, La ruée des licornes, start-up, une révolution mondiale, Ed. Lemieux, et un ouvrage d'anticipation, Au bal des actifs, demain le travail,
Ed. La Volte, il s'agit d'un collectif d'auteurs de SF dont Alain
Damasio, douze fictions explorant l'avenir et les mutations du travail
aujourd'hui.
Signé: Elbé Haenel
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