21/09/2020

LE COEUR SYNTHÉTIQUE de Chloé Delaume

Il est des auteurs avec lesquels on a l'impression d'avancer, de grandir, de vieillir. 

Chloé Delaume fait partie des "miens". 

Lire Le cri du sablier (2001), puis La nuit je suis Buffy Summers (2007),  Les sorcières de la république (2016), a fait d'elle une sorte de copine imaginaire, dont j'attends les écrits, à peu prés comme on attend d'aller boire une bière avec une amie que l'on ne  voit que peu, mais qui jamais ne déçoit et au delà, qui toujours "fait grandir". Comme si la meuf se pointait chaque fois avec une toute petite clé qui permettrait d'ouvrir une grande porte.

Les sorcières de la république ! (qui en plus nous a donné l'occasion de partager un coca light aux chapiteaux du livre) campaient une France dystopique en 2020 dans laquelle il s'était passé des choses historiques pas très reluisantes entre 2017 et 2020 : les déesses de l'olympe étaient venues partager leurs vies avec les humains, le cercle a édicté des lois, la rencontre a dégénéré. Le souci, c'est qu'une amnésie générale et collective a été choisie par référendum fin 2020 et comment alors, faire justice ? 

Delaume signait là ce que je nommerais un peu trop hardiment sûrement son premier roman, et moi je clignais des yeux pour la suivre tellement elle va vite, la Delaume. Ça fuse, c'est fin, drôle et foutrement futé. C'est féministe et pour celles qui suivent collées au radiateur au fond de la classe, cela ne vous aura pas échappé, c'est important pour moi (et c'est peut être un détails pour vous ok). Au delà de cette écriture fulgurante, lire Delaume de ma place à moi c'est aussi partager une culture, une génération, des valeurs, des idées, voire des combats. Chacune le menant de sa place ! 

Cette année, c'est avec Le Coeur synthétique qu'elle déboule. On a vieilli toutes les deux, on prend de l'âge et la confiance qui va avec d'autant que l'on sent bien et on voit bien que la jeunesse se bouge, gronde, qu'on se lève et qu'on se casse, bon même si juste derrière on confine, au moins on se sera entraîné !

Dans ce roman Chloé Delaume campe pour notre plus grand plaisir, Adelaïde. Elle est attachée de presse dans une maison d'édition parisienne, elle a 46 piges bien sonnées et elle vient de divorcer. Page blanche nouvel appart et en avant Guingamp. Et là, vous vous en doutez, débutent les emmerdes. Au taf -coucou le monde magique de l'édition et des auteurs qui prend sa pichenette bien sentie- mais aussi et surtout avec les mecs ! L'autre moitié du monde, pas la sororité non, justement l'autre côté. Adelaïde au premier rendez-vous se demande quels verres choisir pour le mariage, forcément ça va coincer, surtout quand Delaume envoie les stats réelles de "à quel point les femmes de 40 ans et plus n'intéressent absolument plus les hommes du même âge" ! Les idées, constat, remarques fusent là encore dans tous les sens, ça "référence" à Charmed, carrément assumée et on glousse de plaisir ! Adelaïde a des copines qu'on voudrait toutes à soi, Adelaïde préférerait être lesbienne, mais... ne l'est pas, Adelaïde finira par prendre un chat, c'est tout de même plus gratifiant. Même si, bon ok, elle l’appellera Perdition ;-)

Lire Delaume quand on partage ses idées c'est se payer un tour de formule 1 alors qu'on a même pas le permis de conduire, c'est grisant, on ouvre les fenêtres et on hurle de joie. Parce que nous, oui, les formule 1 on les équipe d'auto-radio avant toute chose. Chaque titre de chapitre dans Le Coeur Synthétique est un titre de musique, que dis-je ?! Un incontournable. Du coup, on peut même se payer la playlist qui va avec le roman à écouter à fond bien calée dans sa formule 1.

Et puis bon hein nommons un chat un chat, Delaume elle écrit tellement bien que quand il faut nous déposer là, elle n'hésite pas non plus  : "Adelaïde s'endort en oubliant son âge. Sa seconde partie de vie, elle semble l'envisager comme au temps de ses années de trentenaire ou d'étudiante. Adelaïde ignore qu'il y a bien moins d'hommes libres, elle n'y a pas pensé. Elle omet également le poids de la concurrence. Les fraîchement séparés préfèrent les femmes plus jeunes. Adelaïde sous peu sera brûlée par l'éveil. C'est l'histoire d'une fleur bleue qu'on trempe dans de l'acide. Adelaïde Berthel, c'est une femme comme une autre. Qui a quarante-six ans, entend sonner le glas de ses rêves de jeune fille"

Quand Amélie Poulain a pris un coup de vieux, qu'elle a cessé de courir après les photomatons car il n'y a plus personne dedans, Delaume elle est là pour nous sauver, pour en rire jaune acide vitriol et pour nous rappeler l'essentiel "hey meuf, t'es pas toute seule !"

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