24/03/2016

JE SUIS CAPABLE DE TOUT de Frédéric Ciriez

Julie, la quarantaine alerte et aux aguets, passe ses vacances sur une plage naturiste au pied du Fort de Brégançon. La présidente s'y repose, dit-on, en compagnie de son compagnon du moment. Mais Julie n'en a rien à faire, car elle dévore avec avidité un livre de développement personnel qui la transcende, littéralement. Un best-seller écrit par un ancien champion olympique de sprint. Avec ça, Julie se sent prête à dévorer le monde. 
Wilde open, elle songe aux grandes choses qu'elle est prête à accomplir, dès à présent. Il fait chaud. 

Necko, sa fille de 17 ans, grande gigue plate comme une limande et aux ongles vernis mandarine, dévore avec avidité, sur son coin de plage, une série de manga yaoi qui la démonte, littéralement. Une histoire de virus informatique qui sur les i-phones du monde entier transforme les uns en esclaves sentimentaux des autres (un yaoi, notons-le, est un manga uniquement porté sur la passion de jeunes garçons entre eux, et ce pour l'édification des jeunes filles, c'est spécial). Mais qu'est-ce qu'il fait chaud...


On en rigole d'avance, même si le roman de Frédéric Ciriez prend son temps pour nous dévoiler sa feuille de route (il faut d'abord subir les délires de cet insupportable mental-coach que lit notre Julie, qui a trouvé la voie de son apogée spirituelle grâce à un chien sprinteur, puis rencontré la Mort en personne sur une  terrasse de gratte-ciel dans un pays du Golfe) mais lorsque la mère et la fille, chacune de leur côté, se lèvent de leurs serviettes, abandonnant leurs lectures sur un coin de sable, c'est pour aller affronter le sel de la vie avec de nouvelles armes. 


Voilà sans doute la démonstration in situ que de mauvaises lectures peuvent influencer le cours de votre existence. Se déroulant sur une seule et pleine journée, Je suis capable de tout se pare avant tout d'une écriture joueuse comme un chaton, qui prend soin de nos deux vaillantes héroïnes, voguant dans le plus simple appareil vers de nouvelles rencontres et d'incroyables expériences.

Julie doit retrouver son date, il s'appelle Giacomo, il est beau comme Alain Delon jeune et possède six orteils à chaque pied. Quand il retire ses chaussures de marche, ça ne sent rien. Il attrape des couleuvres à mains nues. Julie et transportée, transbordée, transbahutée, ah !, quelle belle journée. Et qu'est-ce qu'il fait chaud.

De son côté, Necko regarde lui tourner autour trois kékés descendus des quartiers de Marseille et qui lui font leur numéro, un peu relous sur les bords. Il y en a un, le plus dégourdi, qu'elle trouve franchement craignos, un autre qui possède un gros machin, et un troisième qui lui plaît bien. La soirée s'annonce chaude-bouillante.

Frédéric Ciriez s'amuse avec ses deux personnages qu'il a veillé, au préalable, à libérer de tout carcan. Un peu moqueur, un peu mateur (ah ! les joies du naturisme et de l'inconvénient du port des pataugas avec rien au-dessus), ce roman vivifiant est surtout porté par deux qualités imparables : une écriture terrible (ça, c'est du style) et une admiration réelle pour ses deux personnages qui, au-delà du ridicule irrésistible des situations, se comportent en vraies héroïnes, téméraires et pugnaces, allant toujours de l'avant, quoi qu'il arrive. Toujours.

Ecrit à la première personne du féminin, ce qui n'est pas le moindre de ses tours de force, voilà un bouquin qui donne envie de se mettre à poil pour le défendre.
 Signé: RongeMaille

1 commentaire:

  1. Justifié des gens tout nus ! RongeMaille président de la république autonome masquée. J'aurais pas dit mieux, j'ai pas dit avant, donc je m'en vais porter la bonne parole !

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