26/03/2016

MAJDA EN AOÛT de Samira Sedira

Quand on ouvre Majda en août de Samira Sedira, on assiste, gêné, à une scène tabou.
Deux femmes, alcooliques, au PMU. Elles sont abîmées, leurs propos sont incohérents. C'est âpre et on détournerait presque les yeux.

Et puis, quasiment sans transition, Samira Sedira nous place face à Fouzia, une très vieille femme chez elle. Dans la banlieue du sud de la France. Auprès d'elle son mari Ahmed. Le coup de téléphone provient d'un hôpital psychiatrique. On leur demande de venir chercher Majda, leur fille aînée, adulte, qu'ils n'ont pas vu depuis trois ans.
Pénétrer dans l'enceinte d'un hôpital psychiatrique, pour Fouzia et Ahmed, qui plus est pour y retrouver leur fille est une épreuve. Une Épreuve.
C'est le mois d'août, sous la chaleur écrasante du mois d'août dans le sud de la France, ils vont ramenez Majda chez eux.
Va alors débuter sous la plume splendide de Sedira, un huis clos sensible et fort : Majda en août.

Un huis-clos fait de silence, de beaucoup d'amour, de journées rythmées par des caresses pour seules armes contre les effets désastreux des anti-dépresseurs.

Mais la vie de Majda est brisée.

Samira Sedira nous pose deux questions en somme. S'est elle brisée dans sa douzième année à cause de la barbarie des hommes, ou s'est elle cassée quasi-neuve, lors de sa naissance dans cette condition là, cet endroit là, au milieu de ces codes là, juste parce que Majda est une fille?
En tous cas, Majda est depuis toujours écrasée par la loi du silence, qui finira par abîmer tous les protagonistes de ce huis clos.

La réponse est fine et complexe, faite de zones d'ombres et de fils tendus sur des paradoxes. Majda et ses frères ont un père différent, n'interdisant rien à sa femme par exemple, laissant acheter à sa fille du maquillage. Un père comme un soleil mais qui au cœur de la banlieue passe pour un mou, un lâche, un sans autorité. Alors dans ce creux là, c'est Aziz, l'aîné des garçons de la fratrie, le cadet de Majda qui prendra la place de l'autorité. De façon extrême car Aziz n'est qu'un enfant quand ce basculement des places aura lieu dans l'histoire familiale. Ce qui était une chance devient un piège se refermant dangereusement.
Majda s'est pourtant battue de toutes ses forces, elle a fait des études, décroché une maitrise, trouvé du travail. Majda s'habille différemment, s'ouvre, Majda a même milité dans ses années étudiantes. Majda était pourtant une combattante.
Et le silence l'a rattrapé et l'a engloutie.

En refermant le livre, on pense à l'écriture de Kaoutar Harchi ou de Maïssa Bey pour ne citer qu'elles.
En refermant le roman on se dit que Samira Sedira compte désormais parmi les belles plumes contemporaines.
Des voix de femmes nous arrivent d'ailleurs. Cet ailleurs tout prés qui fait le nous d'ici et maintenant.
Ecoutons-les, surtout quand elles le font avec le talent de Samira Sedira





Signé : range le sas

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