Comme le dit si bien la meilleure amie de Zahava, l'héroïne de La vie en cinquante minutes, difficile passée la cinquantaine, de faire encore envie sur le "marché de la chair". Mais plus dur encore, c'est de trouver un jour, emberlificoté autour d'un maillot de corps de son merveilleux et brillant avocat de mari, et ce après plus de vingt ans de mariage, un long cheveu blond qui n'a rien à faire là. Zahava s'emballe, Zahava éructe, défonce les tiroirs et les portes de placard, tourne en rond, fantasme sur le supposé harem tenu par son époux infidèle, Zahava se perd dans les méandres d'une jalousie sans fond et d'ailleurs, cette fameuse amie toute pimpante et bien gaie n'est-elle pas blonde, elle aussi, et ne s'est-elle pas rendue à Tel-Aviv en même temps que... aaah...
C'est la première partie du roman, qui tourne autour d'un motif de vaudeville à l'israélienne teinté de screwball-comedy made in Jérusalem. Où l'on retrouve quelque chose de l'ironie douce d'un Woody Allen se gaussant de la crise de la cinquantaine et en effet, la bonne bourgeoisie d'Israël n'est-elle pas la plus psychanalysée du monde avec ces grands flippés d'intellos complexés de Manhattan ? Mais on n'est ni chez Woody, et encore moins chez Labiche...
Benny Barbash explore d'abord à fond les soubresauts de la jalousie conjugale, mais on n'est pas chez Proust, ni chez Benjamin Constant non plus. Car ça pétille et ça gaze lorsque la pourtant très raisonnable Zahava s'emballe à propos de tout et de rien: tout lui est bon pour alimenter sa suspicion. Moments drolatiques où les délires de l'imagination de la femme jalouse se fondent dans la réalité-même, sans qu'on ne sache plus trop discerner l'imaginaire du vraisemblable. Et elle non plus...
Heureusement pour Zahava et pour nous, le roman ne se contente pas de s'amuser de la douleur et du délire de cette femme (prétendument) trompée. A grands renforts de personnages secondaires plus croquants les uns que les autres (un analyste antipathique qui ne peut pas blairer sa patiente, un ancien prétendant et écrivain reconnu au charisme déchu, un serrurier un rien curieux et mythomane, un mystérieux perceur de coffres arménien ainsi qu'un impayable détective privé un peu trop sentimental), Benny Barbash parvient à faire autre chose qu'une comédie sur l'infidélité conjugale.
Car les moments importants de cette douloureuse crise de conscience qui conduit Zahava à tout s'imaginer, jusqu'à l'impensable et à l'absurde, sont autant d'instants, pour elle, qui vont lui permettre d'aller visiter les zones jusque là occultées de son présent comme de son passé. Voilà sans doute pourquoi tous les jaloux et jalouses de la terre aiment à se morfondre et à se faire du mal à s'imaginer des choses abominables, et cruelles. Tour de force et moment de grâce de La vie en cinquante minutes, roman à la folle virtuosité et à la vivacité pétillante, cette crise conjugale va en effet déboucher sur une autre, beaucoup plus décisive. A cet égard, on peut dire ici sans rien dévoiler du fin mot de l'histoire, que les dernières pages sont absolument sublimes.
En somme, voici un bouquin que tous les jaloux du monde, hommes ou femmes, devraient s'empresser de lire car, et même si leurs soupçons se trouvent hélas avérés, l'important n'est pas là.
Mais on ne leur dira pas où, car eux seuls le savent, au plus profond d'eux-mêmes...
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