17/06/2015

LA ZONE DU DEHORS de Alain Damasio

En Octobre 2004, La Volte surgissait dans le paysage éditorial et publiait La horde du contrevent, le nouveau roman du — presque — inconnu Alain Damasio : un roman inclassable, livre univers époustouflant qui a immédiatement rencontré un vaste succès. Trois ans plus tard, ce même éditeur rééditait le roman auquel il emprunte son nom :La zone du dehors, première œuvre de Damasio, initialement paru chez Cylibris en 1997 et désormais disponible également chez Folio.
 
 2084. Sur un astéroïde en orbite autour de Saturne s’est développée Cerclon. Ville repliée sur elle-même, cernée par une nature hostile, elle est le seul refuge pour ceux qui veulent — qui peuvent — fuir une Terre agonisante, rongée par les guérillas et les pollutions.
 
2084. Orwell est loin. Le totalitarisme s’est paré des atours d’une social-démocratie insidieuse. Dominée par le Clastre, système de hiérarchisation de la population qui subordonne le rang de chaque individu à l’appréciation de tous, la société de Cerclon est hyper sécurisée, hyper sécurisante : démocratie « parfaite », à la stabilité assurée par le contrôle de tous par tous, par la soumission consentie au contrôle, au self-control liberticide, au nom de la liberté pour tous… Chacun sa place dans un monde qui n’oublie personne. « Souriez, vous êtes gérés ! »
 
La zone du dehors est l’histoire de la Volte, groupe (ré)volutionnaire qui appelle à la libération des forces de vie, au libre-arbitre, à la création, au combat permanent contre les pouvoirs insidieux des sociétés de contrôle décrites par Foucault ou Deleuze. C’est l’histoire d’une volution, d’une « révolution sans ressentiment, délivrée de la rancœur ordinaire du militantisme revanchard et piégé, une révolution qui invente, alterne, offre ».
 
Avec cette œuvre résolument libertaire, engagée et enragée comme peut l’être une œuvre de jeunesse, Alain Damasio s’appuie sur Nietzsche et l’internationale situationniste pour livrer un roman percutant, une fable philosophique et politique à l’action captivante, servie par une plume incisive et très à l’aise dans cette narration à plusieurs voix qui sera pour bonne part dans l’efficacité de La horde du contrevent. Critique lucide des perversions de la social-démocratie à l’occidentale, d’une forme de totalitarisme jamais autoritaire ni autocratique (plus proche donc de celui évoqué par John Brunner ou Ira Levin que par Orwell ou Huxley), La zone du dehors fait mouche, dérange, et vient s’ajouter à la longue liste des livres qui donnent, s’il en était besoin, la preuve que la science-fiction peut être avant tout un espace de réflexion d’une terrible efficacité.
 
Signé : Le voisin du dessus

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire