New York, 1977. Matthew, 16 ans s’installe avec sa mère dans
un immeuble cossu de Manhattan. Pour lui qui n’a connu jusqu’alors que le
Queens, la vie du côté de la 52ème rue a tout d’exotique. Deux
rencontres vont le marquer pour toujours : la première avec sa rock star de
voisin, qui n’est autre, vous l’aurez compris, que Lou Reed. La seconde avec
une camarade de lycée, Veronica, personnage fascinant, sorcière autoproclamée,
dont Matthew va tomber amoureux. C’est auprès de ces deux personnages en marge
que Matthew va faire la connaissance d’un étrange milieu où se côtoient paumés,
camés, prostituées, artistes et transgenres.
Nul besoin d’être un fan absolu de Lou Reed pour apprécier à
sa juste valeur Wild Side (dont le titre original est The Perfume Burned His Eyes,
tiré des paroles de la chanson Romeo Had Juliet). Je n’ai moi-même jamais fait
rien d’autre que d’écouter - souvent en boucle - l’album Transformer. C’est ma
seule connaissance de l’œuvre de Lou Reed, un peu mince, mais suffisante pour entrer
pleinement dans l’histoire. Certes, ce roman d’apprentissage est sans aucun
doute écrit par un admirateur de l’artiste, Michael Imperioli (acteur connu pour
avoir incarné Christopher Moltisanti dans la série Les Sopranos), mais
l’histoire est portée par Matthew, ado timide qui aime écouter Wish You Were
Here de Pink Floyd, qui ne connait pas ou peu la musique de Lou Reed.
D’ailleurs, s’il est dès le départ fasciné par ce personnage atypique, il ne
reconnait pas immédiatement le chanteur. C’est déjà un bon point de
départ : merci M. Imperioli de n’avoir pas créé un insupportable fan de
base comme héros de l’histoire.
Et c’est la force de ce livre : les personnages sont
attachants. Matthew est un héros passif, un peu timide, parfois à la limite de
l’inconsistance par sa façon de ne jamais vouloir s’imposer, mais c’est
justement cette limite qui est intéressante, car on le sent toujours sur le
point de glisser de l’autre côté. Savoir s’il va rester spectateur de cette
faune, et dans quelle mesure ce qu’il découvre va le toucher, m’a tenu en
haleine. Matthew attend, observe, se laisse porter, et attend encore. Ce qui
compte à ce moment pour cet adolescent très seul, c’est simplement d’être avec
ceux qu’il vient de rencontrer.
Avec Lou d’abord, personnage qui n’en fait qu’à sa tête,
instable, cruel et égoïste, mais aussi tendre, blagueur, touchant, voire protecteur.
A sa façon. Entre eux l’accroche sera immédiate. Matthew le dit :
« J’étais soudain devenu l’une des rares personnes à qui il faisait
confiance ».
Avec Veronica ensuite. Vénéneuse et insaisissable Veronica,
qui ne cesse de le fasciner. « Je l’aurais suivie jusqu’au fond des égouts
jusqu’à ce qu’elle soit prête à ressortir la tête pour prendre une bouffée
d’air. »
Il y a forcément du glauque dans ce livre, des choses moches.
Mais il y a aussi une très grande beauté, et celle-ci réside avant tout dans
les personnages et leurs relations : la relation entre Lou et son amie
transgenre, Rachel, « …leur façon d’être ensemble sur la banquette me
faisait du bien. Peut-être parce que ça se voyait qu’ils étaient très amoureux. » ;
la mère de Matthew, volontaire et dépressive à la fois.
Il y aussi des scènes épiques et drôles, comme ce moment où Matthew, à la demande de Lou, doit livrer en camionnette un ampli de l'autre côté de Manhattan alors qu'il sait à peine conduire. J'en ai eu des sueurs avec lui, mais je me suis amusée de son équipée et de cette rencontre faite durant la livraison avec un unijambiste qui ne cesse de jurer et de hurler sur son neveu décérébré.
Une des grandes qualités du roman est d’ailleurs cette
capacité à alterner des émotions différentes, de nous faire passer de l’effroi
à l’amusement, de la naïveté de ce jeune homme à sa perte, de Lou à Veronica.
Un joli travail qui joue sur la dualité, mais qui n’en fait jamais une analyse
simpliste.
Merci encore M. Imperioli pour ce premier roman. Premier ou
pas, c’est l’un des meilleurs que j’ai lu ces derniers temps.
Alors si vous voulez savoir à quel point Matthew restera
marqué par ses rencontres, si vous voulez comprendre pourquoi l’auteur a choisi
comme épigraphe un passage tiré de l’Amant de Margueritte Duras, et quel en est
son sens, si vous les fans, vous voulez savoir pourquoi ce livre aurait pu tout
aussi bien s’intituler The Blue Mask, titre d’une chanson publiée en 82, enfin,
si vous voulez vous plonger dans le New York des années 70, lisez Wild Side.
Signé: La Tangente
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