23/11/2018

WILD SIDE de Michael Imperioli

New York, 1977. Matthew, 16 ans s’installe avec sa mère dans un immeuble cossu de Manhattan. Pour lui qui n’a connu jusqu’alors que le Queens, la vie du côté de la 52ème rue a tout d’exotique. Deux rencontres vont le marquer pour toujours : la première avec sa rock star de voisin, qui n’est autre, vous l’aurez compris, que Lou Reed. La seconde avec une camarade de lycée, Veronica, personnage fascinant, sorcière autoproclamée, dont Matthew va tomber amoureux. C’est auprès de ces deux personnages en marge que Matthew va faire la connaissance d’un étrange milieu où se côtoient paumés, camés, prostituées, artistes et transgenres.

Nul besoin d’être un fan absolu de Lou Reed pour apprécier à sa juste valeur Wild Side (dont le titre original est The Perfume Burned His Eyes, tiré des paroles de la chanson Romeo Had Juliet). Je n’ai moi-même jamais fait rien d’autre que d’écouter - souvent en boucle - l’album Transformer. C’est ma seule connaissance de l’œuvre de Lou Reed, un peu mince, mais suffisante pour entrer pleinement dans l’histoire. Certes, ce roman d’apprentissage est sans aucun doute écrit par un admirateur de l’artiste, Michael Imperioli (acteur connu pour avoir incarné Christopher Moltisanti dans la série Les Sopranos), mais l’histoire est portée par Matthew, ado timide qui aime écouter Wish You Were Here de Pink Floyd, qui ne connait pas ou peu la musique de Lou Reed. D’ailleurs, s’il est dès le départ fasciné par ce personnage atypique, il ne reconnait pas immédiatement le chanteur. C’est déjà un bon point de départ : merci M. Imperioli de n’avoir pas créé un insupportable fan de base comme héros de l’histoire. 

Et c’est la force de ce livre : les personnages sont attachants. Matthew est un héros passif, un peu timide, parfois à la limite de l’inconsistance par sa façon de ne jamais vouloir s’imposer, mais c’est justement cette limite qui est intéressante, car on le sent toujours sur le point de glisser de l’autre côté. Savoir s’il va rester spectateur de cette faune, et dans quelle mesure ce qu’il découvre va le toucher, m’a tenu en haleine. Matthew attend, observe, se laisse porter, et attend encore. Ce qui compte à ce moment pour cet adolescent très seul, c’est simplement d’être avec ceux qu’il vient de rencontrer. 

Avec Lou d’abord, personnage qui n’en fait qu’à sa tête, instable, cruel et égoïste, mais aussi tendre, blagueur, touchant, voire protecteur. A sa façon. Entre eux l’accroche sera immédiate. Matthew le dit : « J’étais soudain devenu l’une des rares personnes à qui il faisait confiance ». 

Avec Veronica ensuite. Vénéneuse et insaisissable Veronica, qui ne cesse de le fasciner. « Je l’aurais suivie jusqu’au fond des égouts jusqu’à ce qu’elle soit prête à ressortir la tête pour prendre une bouffée d’air. »

Il y a forcément du glauque dans ce livre, des choses moches. Mais il y a aussi une très grande beauté, et celle-ci réside avant tout dans les personnages et leurs relations : la relation entre Lou et son amie transgenre, Rachel, « …leur façon d’être ensemble sur la banquette me faisait du bien. Peut-être parce que ça se voyait qu’ils étaient très amoureux. » ; la mère de Matthew, volontaire et dépressive à la fois.

Il y aussi des scènes épiques et drôles, comme ce moment où Matthew, à la demande de Lou, doit livrer en camionnette un ampli de l'autre côté de Manhattan alors qu'il sait à peine conduire. J'en ai eu des sueurs avec lui, mais je me suis amusée de son équipée et de cette rencontre faite durant la livraison avec un unijambiste qui ne cesse de jurer et de hurler sur son neveu décérébré.

Une des grandes qualités du roman est d’ailleurs cette capacité à alterner des émotions différentes, de nous faire passer de l’effroi à l’amusement, de la naïveté de ce jeune homme à sa perte, de Lou à Veronica. Un joli travail qui joue sur la dualité, mais qui n’en fait jamais une analyse simpliste.

Merci encore M. Imperioli pour ce premier roman. Premier ou pas, c’est l’un des meilleurs que j’ai lu ces derniers temps. 

Alors si vous voulez savoir à quel point Matthew restera marqué par ses rencontres, si vous voulez comprendre pourquoi l’auteur a choisi comme épigraphe un passage tiré de l’Amant de Margueritte Duras, et quel en est son sens, si vous les fans, vous voulez savoir pourquoi ce livre aurait pu tout aussi bien s’intituler The Blue Mask, titre d’une chanson publiée en 82, enfin, si vous voulez vous plonger dans le New York des années 70, lisez Wild Side.

Signé: La Tangente  

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