Il s'appelle Adelmo, il n'est plus très jeune, et il vit seul en haut de sa montagne, dans un coin quasi inaccessible et invisible des randonneurs, dans un abri qu'il appelle son chalet mais qui ne ressemble à rien. De temps en temps, lorsque les réserves lui manquent, Anselmo descend au village,- pas une petite randonnée croyez-moi -, pour se ravitailler en viandes et en vin. Le temps presse car les premières neiges vont tomber, et durer des mois entiers. Premier couac à cette routine dont l'auteur ne nous dit pas si elle dure depuis quelques années ou depuis toujours, les villageois à l'épicerie, des braves gens qui ne portent pas ce genre de traine-savate dans leur coeur, se moquent de lui: ne se souvient-il pas qu'il est déjà descendu, il y a quelques jours à peine, et s'est déjà ravitaillé pour l'hiver?
Adelmo n'est plus très jeune, c'est sûr, et c'est aussi pour cela que sa routine, on ne va pas la lui bousculer facilement. Tout juste accepte-t-il dans son giron la présence toute nouvelle d'une chien errant croisé dans sa remontée vers le chalet, un clebs particulièrement patient qui sait se faire collant, insistant, et devient très vite indispensable à son train-train. Non seulement ce chien se montre prévenant et fidèle à son égard, mais il lui parle, et Adelmo lui répond. Jamais il n'aura autant parlé de sa vie.
Adelmo a beau ne plus avoir toute sa tête, - la preuve: il était bien descendu au village la dernière fois, l'épicière avait raison -, il ne perd jamais de vue quelques principes de vie primordiaux. Comme ne jamais se laver, afin de bien garder toute sa chaleur pour lui. Et, surtout, repousser tout contact avec les humains, les tenir à distance. Débarque ensuite un jeune garde-chasse aussi collant et insistant que ce maudit bâtard, mais qu'Adelmo n'a vraiment aucune envie d'adopter, ni de mettre dans sa poche.
Ne soyez pas sûrs que le mystère qui entoure ce titre intriguant, Le chien, la neige, un pied soit entièrement éclairci au bout de votre lecture. L'histoire que nous raconte ici Claudio Morandini a beau ressembler, dans sa nature, à quelques textes de Moresco ou Rigoni Stern, il s'aventure ailleurs... Vers une sorte de réalisme déboussolé mais qui n'aurait rien de merveilleux ni d'enchanteur. Au contraire, l'auteur insiste beaucoup, et avec des mots mûrement choisis, sur la misère de son personnage, sur sa lenteur, sa saleté, sa peur du monde, sur sa perte de repères.
Au fin mot de l'histoire, qui aura bousculé notre appréhension de lecteur attentif par sa sérénité étonnante, Claudio Morandini nous assène en guise de conclusion un "CHAPITRE ULTIME L'histoire de cette histoire" qu'on aura à coeur de garder dans un coin, pour plus tard, et qui est une véritable leçon de romanesque et d'écriture:
Les histoires vraies ont un avantage immense sur la fiction: même si elles s'effilochent, s'enlisent, perdent du rythme et de l'allant, elles se terminent toujours d'une manière dont aucun cours d'écriture ne ferait jamais terminer une histoire inventée. Je ne suis certes pas le premier à jalouser cet aspect de la réalité (...) Mais je reste pantois chaque fois que l'effet fonctionne, ne fût-ce que partiellement.
Chaque histoire, chaque vie, fut-ce la plus misérable des vies, recèle des merveilles et des mystères que l'écriture est seule à même de faire voir. Celle d'Adelmo Farandola et de son chien affable en est une preuve supplémentaire.
Sacrée découverte, vraiment...
Signé: RongeMaille
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