Un dimanche particulier...
30 mars 1924. Les familles de la haute
société anglaise donnent congé à leurs domestiques le temps d’une
journée afin qu’ils puissent rendre visite à leurs mères. C’est
le traditionnel dimanche des mères.
Jane Fairchild est une jeune femme de
chambre. Elle est aussi orpheline.
Libérée de toute obligation, c’est
son amant, Paul, fils de bonne famille et promis à un mariage
imminent, qu’elle va rejoindre. Il lui a demandé de le retrouver
dans la demeure familiale désertée en cette journée ensoleillée.
Pour ce qui ressemble à un ultime rendez-vous.
Il y a quelques temps de ça, quand un
libraire bien inspiré me conseilla une lecture dont je ne
connaissais ni l’auteur ni le titre, j’acceptais le conseil et le
livre bien poliment, tout en sachant que je disposais déjà d’une
bonne dizaine d’ouvrages qui m’attendait sur mon chevet. Et que
ce volume de plus risquait fort de ne pas être ouvert.
Que voulez-vous ? Une vie ne nous
suffira pas – en tous cas pas à moi - pour lire tous ces livres
qui nous tendent leurs pages. J’oubliais donc le livre.
Mais, est-ce le temps faisant son
œuvre, l’illustration de couverture, ou la voix du libraire qui me
revenait (« j’aimerais bien connaître ton avis ») ?
Je ne sais pas, mais il ne me fallut pas si longtemps pour que je
succombe. A l’envie d’ouvrir le livre. Et à celle de donner mon
avis.
Pour ma première chronique dans Le
Triangle Masqué, j’ai donc décidé de me mettre à l’heure
anglaise. Mais nul besoin d’attendre le tea time, de sortir la
porcelaine, ou de m’exercer à adopter un (stupid) british accent.
Le dimanche des mères de Graham Swift
m’a transportée le temps d’une journée, ou plus précisément
d’une après midi - comme dans le livre - dans la haute société
de l’Angleterre des années 20, ses codes et ses décors.
C’est un roman d’une grande
sensualité. On entre dès le début dans la chambre où se
retrouvent ces amants secrets. Et quelle chambre ! C’est celle
de Paul, amant de Jane de longue date. C’est pour elle un endroit
mystérieux car c’est la première fois qu’il l’invite à y
entrer. C’est une pièce empreinte d’une aristocratie toute
intimidante pour la jeune bonne qu’elle est. A moins que…Jane
ne soit pas si intimidée que ça.
Cette histoire, à défaut de casser
les codes, les remue. Le plus libre des deux n’est pas celui que
l’on croit, on s’en rend vite compte. Elle me fait ensuite penser
à une échappée belle et, plus que la sensualité, c’est
d’avantage la notion de liberté qui me vient pour en qualifier
l’esprit. Liberté d’une héroïne qui fait de sa condition
d’orpheline une véritable chance. Ne dit-elle pas : « Comment
peut-on devenir quelqu’un si l’on n’a pas d’abord été
personne ? » C’est enfin un témoignage d’amour à la
lecture, à sa force et à son pouvoir. Le pouvoir de changer une
vie. Ce changement commence pour Jane le dimanche des mères.
Je conseille ce roman à tous ceux
qui : ont envie de dévaler les sentiers de la campagne anglaise
à vélo. Ont toujours rêvé de déambuler nus dans la vaste demeure
de leurs riches voisins. Aux hommes qui rêvent d’être des femmes
libres. Aux femmes qui rêvent d’en être aussi. A celles qui le
sont déjà. Et à tous ceux qui comme moi se félicitent de
connaître des libraires de bons conseils.
Signé : La Tangente
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