(Blablabla rentrée littéraire, j'aime pas ça, blablabla)
Faut avouée à moitié pardonnée ?
Bon si on part de ce postulat, alors, allons y en confiance.
Magyd Cherfi était loin d'être un inconnu pour moi. Pour lui et avec lui, j'avais oui transpirante, "tombé la chemise" maintes fois, et sauté comme un cabri en forçant -certes cela me demande pas un effort démesuré- l'accent du sud, de Toulouse pour être plus précis.
Quand j'ai vu débouler l'annonce de son roman chez Actes sud, quand j'ai vu le titre, et la couverture, moi qui travaille en 2016 avec tout ce que cela signifie dans le contexte général, au coeur d'un quartier dit "sensible", moi qui suis "blanc-bec" au coeur d'une population, je me suis dis "raaaaaa nonnnn pas ça ! c'est casse gueule punaise c'est casse gueule ! voire casse pieds aussi. On le sait qu'on a foiré une étape collective dans l'intégration, mais on se bouge, on fait ce que l'on peut, on est pas responsable de tout."
Je reste une sacrée curieuse, donc j'ouvre le roman. Et là, et bien appelons un chat un chat, la claque. Magyd Cherfi a réussi le tour de force de raconter une histoire la nôtre, la sienne, les leurs, sans le moindre manichéisme, sans tomber dans le piège de la facilité. Le tout avec une plume vive, riche, assumée, fine, drôle, coup de poing autant que scalpel. Une plume juste, équitable aussi. Une plume.
L'auteur (il ne me viendrait plus à l'idée de dire le chanteur, désormais, croyez moi) décrit son enfance de garçon différent, car n'aimant pas le football, préférant la littérature, au coeur de la banlieue de Toulouse. Il décrit ceux qui sont sa famille, ses amis, leurs liens d'amitié, mais aussi sa famille celle du sang, sa mère, et enfin, les liens avec l'autre culture, celle qui n'est pas issue du Maghreb, nous, nos parents, le système scolaire par exemple.
Magyd dit la vérité, la sienne, mais pour qu'elle arrive jusqu'à moi, c'est qu'il s'y prend sacrément bien. Il parle de la tendresse (quand on y a difficilement accès), de la sexualité (quand on y a difficilement accès), de l'adolescence, de la vie scindée en deux, des choses que l'on ne comprend pas, des choses qui font de nous des impuissants, de la différence, qui existe partout et tout le temps. Des combats que l'on peut mener, partout et tout le temps, sans passer par la case "institution".
Je peux même vous dire qu'une scène tout particulière m'a fait poser le bouquin, et hurler "mais pourquoi donc je n'avais jamais pensé à cela ?". Cette scène : la soirée d'élection de F. Mitterand que je me souviens très bien avoir vécue dans ma maison de blanc becs bien pensants. Mais je ne vous en dis pas plus, histoire de vous laisser le plaisir de la découverte. Qu'est donc la même scène dans la famille de Magyd, au coeur de la banlieue de Toulouse ? Je vous laisse le découvrir, en prendre conscience.
Un grand grand roman, sans tiédeur, sans compromission. L'idée n'est pas de désigner des responsables, de définir des camps. Aucun coupable montré du doigt. Tous coupables. Une écriture, une vraie. Une très belle découverte qui laisse voir une générosité incroyable, et une intelligence rare, trop rare. Merci monsieur Cherfi. Merci.
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