21/01/2022

LES CERTITUDES DU DOUTE de Goliarda Sapienza

Contestataire et féministe !

 Voilà les deux "gros mots" que l'on n'hésita pas à coller à l'écriture de cette autrice incontournable et qui firent des éditeurs italiens de la fin des années 70 début des années 80, des couards frileux refusant de publier l’œuvre majeure de Goliarda Sapienza L'Art de la joie. Écrit en 76 il faudra attendre l'année 98 (et après sa mort de surcroit) pour le trouver en librairie ! En France c'est à l'excellente maison d'éditions Le Tripode que l'on doit la découverte de l’œuvre incroyable de cette femme tout autant incroyable.

Les certitudes du doute fait partie d'un cycle avec L'Université de Rebibbia et puis Destin forcé. Si les trois romans peuvent se lire de façon indépendante, les trois relatent aussi et de manière autobiographique le moment de la vie de l'autrice au cours duquel elle a commis un vol de bijoux qui l'a conduit en prison (la prison de Rebibbia). C'est cette incarcération qu'elle raconte.

Plus précisément Les certitudes du doute traite de "l’après Rebibia". Goliarda raconte sa fascination absolue, son amour pour Roberta, cette très jeune toxicomane, militante politique rencontrée en prison et retrouvée une fois les deux femmes libérées.
Goliarda et Roberta nous entrainent dans Rome telle que nous ne pourrons jamais la visiter ! 

"Je m'approche et devant ce mur fortifié typique des casernes et des prisons d'autrefois, je comprends où je suis. Marrò m'avait parlé de ce premier ghetto, pour une fois construit non pour les juifs mais pour les chrétiens pauvres du centre de Rome, par la volonté de Mussolini. (...) Voilà d'où provient cet imperceptible quelque chose aristocratique qui habite tous les gestes, les silences de ce Riccardo qui ne pouvait pas ne pas fasciner Roberta, elle aussi petit être déraciné du centre...Je la vois, enfant, prise comme un paquet et transportée là à moisir d'ennui dans un appartement de béton armé au huitième étage."

On découvre une communauté, une ville déchirée entre la désolation de ses quartiers pauvres et le consumérisme outrancier, mais aussi un moment de l'Histoire de l'Italie et de ses mouvements politiques, notamment radicaux.
On découvre ces femmes, militantes et faisant de la prison une sorte d'objet d'étude absolument fascinant. C'est vif comme l'est Roberta et affuté comme la pensée de Goliarda.

Mais c'est surtout l'écriture de la passion. Sapienza passe au scalpel de sa plume ce qui l'aimante, l'attire, la brûle chez Roberta. Et en quoi la prison a donné écho à cette rencontre.

“Tu sais Roberta, maintenant que je t’ai revue “dehors”,  je comprends que ce que j’ai ressenti à Rebibbia la première fois où je t’ai vue était vrai…” Je mens comme tous les amoureux! “J’ai senti que parmi toutes les raisons inconscientes ou pas qui m’ont poussé vers la prison il y avait aussi, et peut-être était-ce la plus importante, celle de te rencontrer.”

Il ne me reste plus qu'à me procurer les autres romans de Sapienza qui vient d'entrer dans ma vie de lectrice par la grande porte.

 Et s'il fallait le dire en toute subjectivité en musique alors : 

MP Soriano aka Range le Sas


 


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