24/05/2021

LES PRINTEMPS SAUVAGES de Douna Loup

 Douna Loup est entrée dans la cour des grands en 2010 au Mercure de France avec son premier roman L'embrasure. Et moi j'avais totalement adhéré à ce récit particulièrement organique dans lequel une forêt abrite un premier amour. 

Depuis elle a écrit, notamment Déployer  (2019 aux éditions Zoé) qui est un réel o.l.n.i (objet littéraire non identifié) puisqu'il se présente sous forme de cahiers que l'on peut lire dans tous les ordres possibles.

Et puis voici Les printemps sauvages (toujours aux éditions Zoé) et là, à nouveau le grand choc de même envergure pour moi, que son premier roman (entendez par là "qui m'a autant bouleversé").

Quand s'ouvre le roman, la narratrice est une enfant qui passe son temps à attendre sa mère, même tard la nuit, au bord d'un lac. Dans une atmosphère une peu étrange, elle vit seule, en somme déjà très entourée par la nature et très éloignée du monde. Et puis, un soir, après avoir beaucoup pleuré en revenant du travail, sa mère décide de partir sur les routes avec sa fille.
Avait précédé à ce départ l'ouverture d'une boite en fer, contenant une photo, une photo de famille. (Je ne suis pas là pour tout vous dévoiler, n'insistez pas !)
Elles se mettent à marcher sur les routes, s’arrêtant parfois dans les fermes pour donner un coup de main, ou croisant la route d'autres "marginaux" (la rencontre avec le couple qui leur apprendra à fabriquer des cabanes est une merveille).

Elles se nourrissent différemment, apprennent beaucoup de savoir-faire manuels, et commencent à déconstruire tous les formatages imposés (ou non) par nos sociétés. Au fil de ce chemin, la petite fille apprend les plantes, les oiseaux, les insectes, apprend aussi son corps qui grandit, et apprend enfin des choses qui la concernent et qui sont essentielles pour elle, autour de la fameuse photo de la boite en fer. Et puis elles arrivent sur l'île de Locla-yom. La narratrice va rencontrer Barnabée, et apprendre avec Barnabée, le plaisir, le désir et l'amour. La mère sait désormais qu'il est temps pour elles de se séparer, qu''une partie de son "rôle" de mère est derrière elle, et que pour que sa fille continue de pouvoir se rencontrer elle-même, il est temps de partir.
Débute alors pour la narratrice l'exploration de toutes ces nouvelles sensations, et puis, Barnabée et elle quittent l'ile et dans la grande ville et ensemble rencontrent un collectif de jeunes gens qui pensent et vivent pour un monde, une société, entièrement repensés. Et je ne vous en dis pas plus sur le récit. 

Cette lecture arrive juste après la rencontre que j'ai animée avec Lou Darsan pour le réseau des médiathèques de Montpellier au sujet de L'arrachée belle, son premier roman et les deux romans résonnent tellement fort. Mais tellement. 

Je suis face à deux jeunes femmes, qui enfin écrivent la force et la joie de se rencontrer soi-même et bien loin du bruit du monde. Deux autrices qui ne reculent pas devant les scènes où leurs personnages ont leurs règles ni même sur ce que cela implique. Deux autrices qui savent écrire le bonheur d'envisager le futur différemment. Douna Loup écrit enfin le plus simplement possible l'amour et la rencontre avec une personne non binaire par exemple, genderqueer.
Toutes deux ont le pouvoir de sortir de la psychologisation absolue de tout. Deux autrices qui ont toutes les deux une admiration sans faille pour la force de la nature. Et l'importance de la connaitre et de la respecter pour parvenir à vivre en paix avec soi-même. 

Elles savent réinventer. Et c'est magique.

Aucune n'est docte, ni pontifiante, on sent leur énergie à déconstruire ce système vertical, pour tout reposer à sa place, juste là, de façon horizontale, nous plaçant nous humains fragiles, quelque part sur cette ligne, ni tout en haut, ni au dessus.
C'est absolument reposant de savoir que ces femmes là existent. Absolument nécessaire.

L'écriture de Douna Loup est d'une douceur et d'une joie qui forcent le respect. Celle de Lou Darsan se construit comme la végétation. Les deux sont à découvrir, vite, très vite.

Signé : MP Soriano (alias Range le Sas)

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