Au dernier mot de la dernière page, on se surprend à bondir sur son ordinateur et à googliser sur le champ «Williamstown », «1951», «suicide collectif » et toutes les variantes qui s'ensuivent: chou blanc. L'histoire pas possible que vous venez de lire n'est jamais survenue, elle n'est que le fruit de l'imagination féconde de ce drôle d'écrivain, Christos Chryssopoulos, qui nous aura fait croire le temps de la lecture de son livre qu'il nous refaisait une sorte de De sang froid sauce moderne, un Chant du bourreau en plus court. Patatras: on pensait être en présence d'un digne émule de Truman Capote et de Norman Mailer, et on se retrouve chez Richard Matheson, Lovecraft et David Lynch.
Relaté sur un monde journalistique, froid comme un inventaire de rubrique nécrologique, d'abord les faits: dans la nuit du 20 au 21 mars 1951 dans la petite ville côtière de Williamstown aux Etats-Unis, quatorze adolescents se donnent la mort par les moyens les plus variés et les plus horribles qui soient. Quelques heures plus tard, c'est le pasteur local, le révérend Brown, qui se trucide sur l'autel. Relaté maison par maison, heure par heure, l'ouverture de La tentation du vide échappe complètement au cadre fictionnel classique. Suivra le portrait de la « suicidée » la plus étrange de l'histoire, la jeune Betty Carter, qui noua très jeune des liens personnels très... affectifs avec les morts et d'autres liens, plus diffus, plus troublants, avec le bon révérend.
A ce stade du récit, nous sommes dans la reconstitution factuelle. D'ailleurs, les seules certitudes dont disposeront les enquêteurs du FBI durant les dix années que durera l'enquête, nous sont délivrées dans le détail. Et on comprendra très vite pourquoi eux non plus ne sont arrivés à rien..
Vient se mêler à cette trame ambigue, au terme de la première moitié du livre, la figure étrange et charismatique d'un certain Antonios Pearl, dont la biographie année par année fait l'objet d'un chapitre complet, mélangée aux événements majeurs survenus aux Etats-Unis à la même époque (l'assassinat de Kennedy par exemple, la parution de L'attrape-coeurs, telle émeute raciale, un digest de l'histoire américaine des années 20 aux années 70). Antonios Pearl qui se rend plusieurs fois à Williamstown, Antonios Pearl photographié en compagnie de Betty Carter, Antonios Pearl dont on a retrouvé les lettres adressées à la petite Betty, fatras insensé de méditations philosophiques qui se débattent avec les notions religieuses les plus tordues, avec pour unique moteur l'incertitude quant à nos systèmes d'appréhensions archaïques à pouvoir saisir l'essence-même de la mort.
Les textes d'Antonios Pearl ont droit à une note de commentaire finale qui finit de rendre plus béante la sensation de malaise qui nous avait saisie lors des premières pages. Et on en reste pantois, Tout ça pour ça ? Tous ces mystères, tous ces morts, toutes ces recherches pour une note en bas de page incompréhensible ? Est-ce-que ce serait ça, cette tentation du vide dont parle le titre ?
Pourquoi Chryssopoulos, par ailleurs auteur grec, écrivant dans sa langue, nous plonge-t-il dans ce cauchemar purement américain dont on ne voit pas de quoi il pourrait être la métaphore ? Par simple jeu littéraire ? Histoire de faire un livre « à la manière de » mais sans véritable fin, sans but ultime ? Rarement on aura eu cette impression de sombrer dans le néant au terme d'une lecture pourtant prenante, et sans cesse intrigante.
Pourquoi Chryssopoulos, par ailleurs auteur grec, écrivant dans sa langue, nous plonge-t-il dans ce cauchemar purement américain dont on ne voit pas de quoi il pourrait être la métaphore ? Par simple jeu littéraire ? Histoire de faire un livre « à la manière de » mais sans véritable fin, sans but ultime ? Rarement on aura eu cette impression de sombrer dans le néant au terme d'une lecture pourtant prenante, et sans cesse intrigante.
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