Sentir les prémisses du printemps,
tout en même temps que ceux d'un mouvement.
Un mouvement. En soi et rien que cela,
groggy que nous sommes, ça file des fourmis dans les jambes, la
naissance d'un sourire et envie de relever la tête. Et, parce que
les coïncidences n'existent pas, rencontrer monsieur Tom Lanoye.
Le rencontrer pour la première fois,
en découvrant que chez lui, en Belgique et aux Pays Bas, il est une
star. Un auteur combattant, militant. Un journaliste, un auteur de
théâtre, de romans, un scénariste. Ferveur défenseur de la cause
homosexuelle, ainsi que l'auteur du splendide, La Langue de ma
mère (Éditions de la Différence, 2011).
Je
rencontre donc Tom Lanoye, avant le 22 mars 2016. En ouvrant son
hilarant et très acide Esclaves heureux,
sorti en France toujours aux éditions de la Différence en 2015.
Je
découvre une écriture vive, un esprit fulgurant, posés sur une
construction solide..
Deux
Tony Hanssen se répondent. Homonymes ne se connaissant évidement
pas. L'un est le gigolo de la vieille femme chinoise de son
créancier. Et dés l'ouverture du roman, elle va avoir le mauvais
goût de mourir alors qu'il se donne beaucoup de peine, au fin fond
d'un hôtel miteux en argentine (la pauvreté excite aussi très
largement la vieille chinoise) pour lui donner satisfaction.
Le
second Tony Hanssen, est lui trader, et s'apprête en Afrique du sud,
alors qu'il est en fuite car en possession de trop d'informations
compromettantes, à tuer un rhinocéros. Lanoye va sous sa plume
provoquer le clash entre les deux destins et je ne vous en dirais pas
plus.
Ces
deux Tony là, portent non seulement le même patronyme, mais bien
au-delà de cette première ironie, alors qu'ils se croient tous les
deux en marge, ou au dessus de la moyenne, ils ne sont en fait, et
comme nous tous -nous rappelle subtilement Lanoye- des esclaves de
leurs temps, du système que nous cautionnons tous et qui n'est rien
d'autre que l'Argent. Avec toute la vacuité qu'il draine.
Tom
Lanoye est drôle, un peu rock'n roll et pas totalement désabusé
(sinon il ne combattrait plus), sacrément lucide et documenté.
Esclaves
heureux s'ouvre et ne se lâche plus. On se roule dans la fange, le
sourire aux lèvres et on finit par se demander si on s'appelle pas,
aussi Tony Hanssen.
Et
puis le 22 mars 2016 en Belgique.
Et tout en même temps, (les
coïncidences n'existent toujours pas ?) arrivent sur les tables dans
la librairie : Gaz. Plaidoyer d'une mère damnée.
Et là,
après nous avoir bien fait rire, Lanoye va se charger de nous
envoyer valser à l'extérieur de nos chaussons, bien loin derrière
nos crétineries, nos peurs stupides et nos penchants sordides à
tout confondre.
En 80
pages d'une simplicité confondante, il nous place face à une femme
seule. Cette femme, n'est personne d'autre que la mère d'un
« apprenti djihadiste » qui vient d'arracher violemment
la vie d'une vingtaine de personnes, des enfants et des bébés pour
la plupart, la sienne avec.
Elle
va se poser dans une langue à la portée de tous, les questions que
se poseraient n'importe quelle mère. Qu'est ce que j'ai fait ? Quels
signes montrait-il qui auraient pu m'alarmer ?
Elle va jusqu'à se questionner sur l'accouchement, cette césarienne, cette arrivée ressemblant étrangement à ce départ, dans le sang.
Elle va jusqu'à se questionner sur l'accouchement, cette césarienne, cette arrivée ressemblant étrangement à ce départ, dans le sang.
Elle
nous prend à témoin parfois. Elle se demande si à l'instar de
certains animaux, elle n'aurait pas du le manger, avant que ce soit
lui qui le fasse.
On
baisse les yeux parfois. La tête souvent, et on ne peut pas – je
crois- ne pas comprendre ce qu'elle nous dit. Ou pire, la mettre à
part. Cette mère là a certes élevé son enfant, toute seule. Cette
femme là n'est pas issue de l'immigration.
Elle a
simplement assisté lentement à cette chienlit qui bouffe notre
époque, le besoin maladif de son fils de trouver un groupe, un acte,
un chemin, un travers, un outil qui le rendrait : célèbre.
Mondialement reconnu.
Lanoye
: 1 VS Nous : 0 (par ko.)
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