13/03/2016

VACANCES SURPRISES de Marc Bernard

Marc Bernard n'a jamais été le grand winner des Lettres Françaises. A l'instar d' Emmanuel Bove, Henri Calet, André Hardellet et quelques autres, son nom figure pourtant en bonne place parmi les écrivains préférés d'amateurs éclairés mais la gloire, cette divine farceuse, lui aura même adressé ce pied-de-nez en lui faisant décrocher le Goncourt... en 1942. Il faut croire que les gens avaient alors la tête à autre chose, car cela ne lui apporta ni la félicité, ni la prospérité.

Les éditions Finitude continuent un travail de réédition dont ces Vacances surprises est le troisième volume (vous pouvez encore en trouver d'autres dans la collection L'Imaginaire, chez Gallimard mais les bouquins de Finitude sont plus jolis), recueil de textes courts qui prennent pour prétextes quelques souvenirs de vacances en Espagne et au Portugal que l'auteur prit avec sa femme adorée, Else. Marc Bernard écrivait comme on n'écrit plus (ou presque) : avec un soin infini porté aux mots, un sens du raccourci et une ironie toute douce qu'il s'administrait à lui-même, en premier lieu. Ce voyage n'est d'ailleurs tout simplement pas au cœur de l'ouvrage... Très vite, ses souvenirs se carapatent à Paris, dans son petit-chez-lui douillet où l'auteur aimait par-dessus tout traînasser en compagnie de ses livres, de ses draps douillets, et de sa Else adorée.

Le cœur du livre, c'est elle, cette belle juive autrichienne qui avait laissé là-bas, et pour toujours, sa famille toute entière, et dont la joie de vivre et le caractère bien trempé enchantaient l'écrivain plus que tout au monde. Il raconte les paysages, les gens rencontrés, dresse les portraits affectueux des locataires de son immeuble aux prises avec les mirages de l'accession à la copropriété, s'invective un peu de ne pas assez travailler, et puis se recouche, heureux. Regrette le manque d'argent mais ne s'en fait pas trop non plus.

 Et comme je sens que vous ne me prenez pas trop au sérieux, je vous donne ici, en guise d'amuse-gueule, cette scène de plage:

 Il y a aussi la grosse dame qui, d'une allure décidée, s'avance en balançant les bras comme si elle allait lutter avec les vagues. On la suit des yeux en souriant. Mais, miracle ! Dès qu'elle est dans l'eau elle se transforme en naïade ; d'une nage souple, rapide, puissante, gracieuse, elle gagne le large en laissant loin derrière elle les garçons essoufflés. C'est sa revanche sur la pesanteur. … 

Cette revanche sur la pesanteur a des arrière-goûts de grand style, un petit je-ne-sais-quoi qui fleure bon le Jules Renard, vous ne trouvez pas ?... Un grand écrivain, je vous dis !


 Signé: RongeMaille

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