Certains olibrius cachent parfaitement leur jeu, pour preuve ce sauvage peinturluré et grimaçant qui est aussi un essayiste et philosophe qui s’est déjà fait un nom, (Kerninon nom de nom) et qui raconte dans ce livre-ovni des plus ébouriffant sa conversion subite et nécessaire, brutale et vitale, cannibale et absolue au Fuck Metal Pingouin .
Ne cherchez pas dans l’encyclopédie du rock d’Assayas, vous ne trouverez pas. Car tout est parti d’une blague entre amis (de la meilleure société, jeunes quadras sur-diplômés et vie de famille en harmonie avec les astres), concernant deux pingouins et le port, ou pas, du smoking sur la banquise. A peu près selon la même croyance en l’infini et en l’absurde qu’un célèbre amuseur local qui a prétendu fort justement qu’on pouvait devenir n’importe qui en faisant n’importe quoi, ou quelque chose dans le genre, Kerninon and his Band ont réagi de la même façon à la vacuité de leur vie et au bordel ambiant par un « faisons n’importe quoi » salvateur.
Comme L’odyssée du pingouin cannibale est aussi un livre autobiographique, l’auteur consent à admettre qu’il s’était tiré quelques temps auparavant d’une mauvaise déprime de fond qui lui faisait voir les choses en très très noir. Comme il a la pudeur de ne pas s’étendre là-dessus plus qu’il n’en faut, il décrit par contre dans les grandes largeurs la naissance de ce groupe post-punk pro-metal noisy-kouglof baptisé Cannibal Penguin avec un luxe de détail qui fait plaisir.
1. D’abord le précepte punk de base: ne pas savoir jouer, et de préférence à contre-temps de ses petits camarades. Alcools bienvenus. Provocations gratuites. Tenues choquantes, voire inquiétantes, textes débiles.
2. Puis le précepte Lenny Killmeister de Motörhead: les amplis à fond. Alcools bienvenus. Tenues crades, mauvais goût appliqué.
En playlist, une reprise hurlée de l’insupportable tube de boîte 80′sPartenaires particuliers. Un morceau baptisé Fa# avec cette seule note jouée tout le temps, et longtemps. Une reprise de Anarchy in the U.K. des Sex Pistols version zoukée (là, il faut un batteur avec un peu de sens du rythme quand même). Et le tout qui se termine sur une… chenille. Oui, celle qui redémarre, rappelez-vous…
Tout cela a l’air bien rigolo, mais le dévoiement de ce philosophe vers la Cannibal Penguin Attitude est une idée qui se tient. Kerninon nous explique dans le détail pourquoi.
Parce que.
Lorsqu’il bat le rappel de Camus et de son mythe de Sisyphe, on le suit sans peine au fil d’une pensée assiégée par le doute. Lorsqu’il fait des ponts avec le nihilisme incompris du suicidé Kurt Cobain, il se rappelle de Sid Vicious qui, lui, n’était pas incompris. Il interpelle la pensée de Heidegger au passage (là, on a un peu décroché, excusez…) et se rappelle d’un spectacle de magie qu’il avait donné dans une maison de retraite, à une époque.
Le nœud du problème, selon notre palmipède disgracieux, se niche au cœur de ces satanées années 70, durant lesquelles il a vu le jour, et d’où ont émergé ces énergumènes de Monty Python et Sex Pistols. Selon lui, leurs conneries seraient aujourd’hui la norme. Réfléchissez-y un brin et vous sentirez monter la force irrépressible du Fuck Metal Penguin.
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