21/09/2015

EN TOUTE FRANCHISE de Richard Ford

Il nous avait laissé tout bête, tout penaud, ce bon Richard Ford, après deux romans d’excellente facture certes, mais bien en deçà de ce que l’on pouvait espérer d’un écrivain de sa trempe. Le retour aux affaires de son personnage fêtiche et alter-ego de papier, Frank Bascombe, augurait plutôt mal d’un retour en forme de l’auteur d’Un week-end dans le Michigan, comme un aveu de laisser-aller et de retour pépère à la normale, à cet éternel train-train de l’écrivain bien installé.
Tout ça pour s’apercevoir que le train-train, le prosaïque, le banal, c’est justement sa grande affaire, à Richard Ford, l’espace qui lui est imparti pour aller jusqu’au fond des choses, et laisser libre court à la verve toute en nuance de son écriture à la fois empathique, ironique, et terriblement désabusée.
Bascombe est à la retraite à présent, il ne s’ennuie pas trop mais les souvenirs se chargent d’affluer vers lui tel un ressac sans fin, lui ramenant dans les pieds quelques éléments de sa vie difficiles à oublier, ou auxquels il avait cru ne plus jamais avoir affaire. C’est cet ancien client qui l’informe que la maison qu’il lui avait vendue, jadis, a été détruite par la méchante tempête qui vient de ravager la côte Est. C’est cette vieille femme qui demande à visiter sa maison qu’elle habitait bien avant lui, et qu’elle avait quitté à l’âge de 17 ans dans des circonstances dramatiques. C’est ce vieil « ami » à quelques jours du trépas, qui le presse de venir le voir dans son lit médicalisé. Et puis son ex-femme, qui sombre peu à peu dans les limbes d’Alzheimer, et avec qui il n’a pas fini de solder une foule de ressentiments et de rancoeurs.
En toute franchise est plus une suite de rencontres fortuites qu’un recueil de nouvelles. Frank Bascombe s’y promène comme dans un champ d’épaves, qu’il observe d’un peu haut, mais pas trop, s’insinuant lui-même au milieu des décombres comme faisant partie du décor.
Richard Ford fut le meilleur ami de Raymond Carver, il faut savoir s’en souvenir en lisant les 230 pages de son bouquin, ciselé et lapidaire comme seuls certains Américains savent en faire. Autant dire que ce Richard Ford-là est immanquable.



Signé : RongeMaille

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