07/09/2020

LA PETITE DERNIÈRE de Fatima Daas

Ce n’est pas tous les quatre matins que Madame Despentes recommande quoi que ce soit. Cette sobriété saine au milieu de la débauche obscène et illisible de suggestions et prescriptions en tous genres, fait que quand elle parle -Despentes- on écoute. Moi, en tous cas je l’écoute.

Elle recommande le premier roman de Fatima Daas qui s’intitule La petite dernière et qui vient de sortir aux éditions noir sur blanc,  moi je fonce me le procurer.
Et là,  derrière ce bandeau rouge signé par la grande Virginie, le choc. L’écriture de Fatima Daas, comme une nouveauté absolue et vertigineuse. Fatima Daas raconte une histoire. Une histoire universelle dans une langue qui serait née de la rencontre du rap, de la prière peut être et de l’hommage aussi, le tout sur une respiration saccadée d’enfant asthmatique.
Le résultat est un coup de poing, un bijou. La respiration qui s’arrête et l’auteur nous laisse les bras ballants devant le paradoxe absolu sur lequel son personnage a dû se construire.
 
Fatima Daas raconte l'histoire de Fatima qui est née en France dans une famille musulmane. Elle est la seule née en France, ses deux sœurs, son père et sa mère sont nés en Algérie.
Fatima est française d’origine algérienne. Fatima est née la dernière et ses parents auraient adoré avoir un garçon après les deux filles aînées.
Fatima est née en banlieue, elle est comme elle le dit elle-même une "touriste à Paris".  Tous ses voisins, toutes ses amies, ses amis sont musulmans dans cette banlieue. 
Elle va nous raconter sans suivre un fil chronologique mais en  faisant des allers-retours entre le dehors et le dedans de sa maison et d’elle-même, comment elle a grandi cette Fatima, comment elle a découvert son homosexualité, dans deux espaces donc, qui interdisent en somme cette préférence sexuelle-là, cette identité-ci, cette place enfin. Comme si aucune place ne convenait jamais et nulle part à Fatima. Comme si Fatima marchait toujours et partout comme un funambule sur les marges de cette société trop petite pour elle, trop étriquée, trop serrée, jamais assez grande.
Ça va cogner un peu au lycée, ça va observer le père, la mère, la famille en Algérie aussi. Ça va tâtonner et caresser des corps en se persuadant de ne jamais tomber amoureuse. Impératif mais interdit.
Finalement Fatima tombera amoureuse de celle qui ne peut pas l'aimer. 
Finalement Fatima quittera Clichy-sous-bois.
 
Sans concession, jamais larmoyant, ni même accusateur. C’est là. C’est une vérité qui cherche à s’affranchir et nous lecteurs, sonnés nous touchons enfin du doigt cette difficulté-là celle des marges et des cases bien trop petites pour toutes celles et ceux qui ont la peau papier à cigarette. Trop fine, bien trop fine.
 
Fatima Daas : merci et respect. 

Signé : Range le sas


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