29/11/2016

LA SAINTE FAMILLE de Florence Seyvos

En refermant ce roman, je me suis dit : "Quel miracle mon dieu, quel miracle". 
J'en réfère à Dieu eu égard le titre, qu'on me pardonne.

Je me suis dit, voilà un roman qui vient de me rappeler le fait que l'enfance est le pays de la solitude absolue, le pays, dont aucun adulte ne parle la langue, et je me suis rendue compte que pour réaliser cela à la lecture d'un roman il faut que ce soit un enfant qui raconte.

Or ça, on le sait, ça n'existe pas, ça n'existe pas, comme dirait l'autre.

Sauf que vous m'avez vue arriver avec mes gros sabots, Florence Seyvos a eu le grand talent, la folle justesse d'approcher au plus prés, de l'infiltrer ce pays-là,  et que l'espace de ces pages, j'ai oublié : Florence Seyvos est bel et bien une adulte.

J'espère ne pas avoir à vous convaincre, elle n'a dieu merci pas essayer de se mettre à la place de. Mon dieu (encore lui !), non.
Elle a travaillé de sa plume, le souvenir. La texture du souvenir, ses contours, sa lumière et ses ombres. 

La sainte famille (éditions de l'Olivier) nous met face à Suzanne et Thomas son petit frère. Ensemble, ils vont le traverser ensemble ce pays-là. Je le précise parce que cela ne va pas de soi avec la fratrie.
Leur lien a eux fut très fort.
C'est Suzanne qui raconte sur la grande majorité des chapitres. Elle raconte, les adultes, les autres enfants, la mère, le père, la grand-mère, les vacances, l'oncle inquiétant, la cousine tyrannique, l’instituteur barbare...
L'été, l'hiver, le quotidien et les vacances.
Suzanne raconte la douceur de la solitude, la force de la complétude, et le fait que grandir, c'est à peu prés accepter de la perdre, cette complétude. Le lien avec Thomas est parfait dans l'enfance. Le lien avec cette grand tante que l'on dirait simple d'esprit l'est tout autant. Cette grand-tante magnifique dans sa façon de vivre la vie sans filtre, seule, aussi seule que les enfants. Incapable de montrer ses sentiments mais pour laquelle Suzanne et Thomas représentent absolument toute l'essence de sa propre vie.
Suzanne se souvient de ses scènes, de ces instants où les autres, celles et ceux qui ne sont ni Thomas, ni la grand-tante, imposent, violentent, font intrusion dans leur bulle. La casse pour toujours. Les font grandir pas toujours quand eux l'auraient décidé.

Et là, bing, Florence Seyvos nous parle forcément à nous et de nous.
Comment ne pas instantanément se retrouver au cœur de l'un de ces instants vécus au milieu des adultes, de leurs mots entendus, pas compris, blessants comme des couteaux trop aiguisés, fascinants parce qu'obscènes ? Ou de ces autres enfants plus grands, plus abîmés, moins innocents ?

La sainte famille c'est aussi l'observation si juste du lien qui était la racine, la force, puis qui se délite, et fini par se transformer.
C'est le regard tiraillé de cette enfant sur la religion, que lui impose une famille inscrite dans cette croyance. Le regard qui questionne, observe, hait ou adore. Ou les deux à la fois.

La violence des autres vient nous cueillir là où jamais on ne l'attend. La violence de Suzanne nous tombe dessus, comme un couperet tomberait. Et puis, on la reconnait, on baisse les yeux, on souffle après la tension, mais oui, bien sûr qu'on la reconnait cette violence absorbée, dont un jour où l'autre sans même que l'on y pense on finit par être obligée de la vomir.

A l'heure où il va pas falloir trop tarder à retourner auprès de la Famille, ou autour d'une bûche, de guirlandes et autres fanfreluches, je ne saurai que trop vous recommander ce magnifique roman. Vraiment.

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