22/09/2015

L’été indien (air connu)

Durant le mois d’août, Mère Grand m’a tanné pour présenter un certain nombre de titres, d’œuvres, qui me semblent non pas incontournables, il ne faut pas exagérer, mais qui ont musclés le brillant athlète culturel que je suis aujourd’hui. Fort de cette périlleuse mission, je me suis attelé à cette tâche sans le précieux soutien de Mme Peel alors en vacances bien méritées.
L’été est maintenant passé, les congés trèèès loin, la rentrée bien entamée et les cohortes de nouveautés se bousculent à qui mieux mieux pour avoir la première place. Mère Grand m’a rappelé le rôle d’une sélection, qui bien que vitale se veut éphémère, que je dois méditer sur le non-attachement et l’impermanence… Certes cette installation amène un petit rayon de soleil, une éclaircie dans le quotidien d’un libraire et, nous sommes d’accord, il est difficile de s’épanouir à l’ombre d’un Largo Winch ou d’un Blake et Mortimer.
Donc, elle n’a qu’un temps !
Alors, l’envie impérieuse me vient de prolonger les vacances et de vous soumettre, petits veinards, les quelques titres que vous avez peut-être loupés :
Torpédo de Bernet et Abuli.
Torpédo est un tueur à gages durant les années de la prohibition. Sicilien, froid, sans cœur, affublé d’un second particulièrement crétin et maladroit, il traverse ses mésaventures avec un cynisme et un machisme consommé. Cette BD est parsemée d’humour, d’action, de rebondissements hilarants, de situations grotesques. Si vous aimez les Sopranos, Scorcese, et les histoires rocambolesques de gangsters : foncez !!!
Cartographie des nuages de David Mitchell
Roman singulier qui se rapproche plus du recueil de nouvelles, nous pouvons lui reprocher sa construction au premier abord un peu artificielle. En effet, Cartographie des nuages est un récit enchâssé à plusieurs voix, ses intrigues dramatiques ou cocasses parcourent plusieurs époques jusque dans un lointain futur et se répondent tour à tour, comme un long écho.
Hum, dis comme ça, vous demandez à juste raison ce que je consomme et je peux vous assurer que c’est de la bonne. Je parle de littérature, bien sur.
Car ce que je retiens de Mr Mitchell, c’est son style impeccable. Chaque période, narrateur et donc récit ou « nouvelle » a sa voix. Nous passons de l’un à l’autre avec l’étonnante impression de lire une anthologie tant l’écriture et le style est différent tout au long de sa lecture.
Petit bonus : nous retrouvons l’un des personnages de ce roman dans Le fond des forêts, paru deux ans plus tard, toujours chez l’Olivier.
 L’orme du Caucase de Jiro Taniguchi
Jiro Taniguchi… mangaka au style quasi photographique, il nous ballade entre ses récits de montagne, ses promenades zen, ses souvenirs d’une chiantitude accomplie, ses aventures animalières et quelques ovnis. Il est l’Auteur de manga par lequel les béotiens peuvent découvrir et se forger un avis moins stéréotypé et négatif sur la « culture graphique nippone ». Ouhou, comme c’est joliment dit, il va falloir que je la ressorte celle-là^^.
Bon, c’est pas tout ça, mais là c’est l’Orme du Caucase qui nous intéresse…
C’est un recueil de 8 histoires courtes de Ryuichiro Utsumi, histoires de vies, de rencontres, parfois mélancoliques mais toujours émouvantes.
Autant le Journal de mon père ou Quartier lointain sont, avec le même thème, « réservé » à un public adulte, autant l’Orme a, selon moi, une portée, une poésie et des messages plus universels et transgénérationnels.
S’il n’y en avait qu’un à lire (ce qui serait bien triste), ce serait celui-ci.
L’Amateur d’anecdotes de Raymond Castans
Vous l’avez peut-être pressenti… j’aime les histoires. Je kiffe la Grande, mais ce que j’aime par dessus tout ce sont les petites. Elles illustrent si bien l’esprit, le caractère, la majesté ou la mesquinerie des hommes et des femmes qui ont fait la grande histoire. Les anecdotes sont l’illustration même de la nature humaine avec l’humour en plus. Bons mots, réparties, situations embarrassantes, événements majeurs observés par le trou de la lorgnette, avec dans le casting Voltaire, Guitry, Talleyrand, Nicolas le deuxième, Sarah Bernhardt… à consommer sans modération.
Petit avertissement : cette série est inachevée, si vous commencez à l’apprécier comme moi, vous risquez d’être un petit peu déçu… vous voilà prévenu.
Je disais donc, si vous aimez les pulps, les pin-up, les cadillacs, les dinosaures, la sf, les histoires courtes, les mecs les vrais, les savants fous, les expériences ratées, l’apocalypse et les dinosaures (comment ça je l’ai déjà dit ?) : foncez !!!
Il n’y a pas que les pin-up, les cadillacs et les dinosaures dans la vie…Je serais même tenté de dire qu’il n’y a pas que notre nombril, et même il n’y a pas que notre petit pré carré à nous tout seul, que l’on doit protégé à tout prix et ne pas partager du tout du tout. Surtout avec tout ce qui se passe dans cette triste époque que nous vivons ma pauvre petite madame oulala !!!
Trois possibilités :
1/ Vous connaissez, vous êtes convaincu et il vous faut des arguments chocs pour convaincre, sinon illustrer votre propos.
2/ Vous ne connaissez pas, mais ça vous titille, je ne peux que vous encourager, le décollage de pois chiche n’est pas loin.
3/ Vous avez une armoire à caler… vu l’épaisseur du bouquin, je vous encourage plutôt à changer d’armoire et lire Mathieu Ricard. Deux changements (de vie et d’armoire) pour le prix d’un poche comme celui-ci, c’est pas tous les jours que ça va vous arriver.
Ne me remerciez pas !!!
Dans les veines ce fleuve d’argent de Dario Francheschini
Primo Bottardi se réveille un jour avec, en tête, la réponse à une question que lui avait posé un ami d’enfance, quarante ans plus tôt. Il décide donc de partir et de retrouver cet ami.
A travers son périple, Primo nous raconte son enfance, son pays, et le fleuve qui façonne les gens, leurs rêves comme leurs vies.
Nous voilà donc partis le long des berges du Pô, en sa compagnie, pour un voyage poétique, empli de brumes, perdus entre réalisme un peu étrange et onirisme.
Mygale de Thierry Jonquet
Depuis tout petit, j’ai peur des araignées. Venimeux, ça galope, ça nous attends sous les couvertures, ça aime les coins sombres et poussiéreux, et quand j’entends Mygale, ça me remonte la colonne vertébrale. Pour deux raisons :
1/ La grosse bestiole poilue avec trop de pattes et de yeux que j’ai trouvée dans mes rangers au petit matin lors d’un baroud (mon premier et dernier) avec la légion en Guyane Française*.
2/ Thierry Jonquet.
Mygale n’est pas un « frileur » animalier, amis arachnophobes, restez encore un peu. Ce court roman fait suivre trois personnages, trois intrigues qui finissent par se rejoindre :
un jeune homme en moto se fait percuter par un chauffard, et se fait capturer par le conducteur, est ce un serial killer ? ; un malfrat fait un casse qui se passe mal, il descend un flic et est blessé, la cavale commence ; et une jeune femme est séquestrée, humiliée et prostituée par un imminent médecin…
Brrr, j’ai cette saleté de bestiole qui me parcourt l’échine….
Pinocchio de Winschluss
Pour cette adaptation pour adulte et décalée du conte de Collodi, Winshluss a reçu le mérité Fauve d’Or 2009 du festival d’Angoulème.
Que dire sinon que nous retrouvons la plupart des personnages du conte comme Gepetto en savant cupide ou Jiminy en cafard ; mais aussi d’autres célébrités tels que les sept nains en nabots lubriques issus d’autres histoires pour la jeunesse.
Winshluss utilise avec brio l’imagerie Walt Disney, nous sert sa version hardcore et trucide les valeurs morales sirupeuses et gnangnan à la tronçonneuse. Seul notre petit pantin traverse les épreuves et les mésaventures sans s’émouvoir, sans juger du bien ou du mal qui l’entoure, blindé, téflonné, en naïveté trempée.
Aucun, je dis bien aucun des autres personnages n’est à sauver : pervers, tordus, cupides, malsains, suicidaires, manipulateurs, cette BD est un minutieux passage à la loupe sur la face sombre de l’humanité.
La balade de Lobo de A.Grant & S.Bisley
Cette réédition des aventures de l’Homme regroupe les deux aventures imaginées par Alan Grant et Simon Bisley : Le dernier Czarnien et Lobo frappe encore.
Décidément, les éditions et les rééditions de comics en France sont un grand n’importe quoi puisque pour des raisons qui m’échappent Le noël de Lobo n’est pas au sommaire du recueil ; 
mais bon je ne vais pas bouder mon plaisir à retrouver dans la langue de Gotlib les aventures du chasseur de primes.
Violence gratuite à tous les étages, personnages plus cons les uns que les autres, humour à 2 € (comme quoi tout augmente), même le bon Dieu se bidonne !!!
Qu’est ce qu’il nous manque ???
Le Noël de Lobo peut-être ^^

Polina de Bastien Vives
Pour finir sur une note plus douce et introspective, je vous propose de découvrir Polina de Bastien Vives.
Cette BD raconte le parcours d’une danseuse, de ses débuts, encore enfant à son entrée au Bolchoï sous le regard sévère de son professeur, à l’âge adulte en artiste reconnue.
Par petites touches, Bastien Vives construit ce personnage et le fait évoluer, grandir, aimer. Sa plus grande prouesse, pour moi, est de nous faire sentir l’influence de ce professeur, de ce maître, à travers les silences et les non-dits de Polina qui réussit au final à transcender l’exigence et la dureté de son mentor au service de son art et de sa carrière.
Signé : Mr S

Notes : * L’auteur est un gros mytho !!!

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