22/07/2017

LA SOURIS QUI RUGISSAIT de Leonard Wibberley

La souris qui rugissait parut en 1955 et fut adapté au cinéma quelques années plus tard par Jack Arnold, le réalisateur de L'homme qui rétrécit et de Tarentula. Choix étrange pour un film comique me direz-vous mais, beaucoup plus cohérent, l'interprétation fut alors confié (trois rôles!) à l'impayable Peter Sellers qui fit de cette adaptation, à l'époque, un très joli succès. On avait un vague souvenir, assez ravi, de cette loufoquerie (le film est ressorti il n'y a pas si longtemps en copie neuve), et on avait oublié en route qu'il s'agissait à la base d'un roman, que l' intrépide éditeur suisse Héros-Limite, spécialisé dans les rééditions de textes un peu perdus de vue, a eu la bonne idée de nous ressortir.

On commence la lecture du roman avec la vague appréhension que la chose est un peu datée, voire surannée, et on se surprend à rigoler comme un bossu dès les premières pages. Vous rappelez-vous de quoi il s'agit ? Vous n'avez jamais vu le film, jamais entendu parler ?

Voici: nous nous trouvons au coeur de l'Europe, dans une enclave perdue entre deux vallées quelque part entre la France et la Suisse. Royaume indépendant depuis de hauts faits d'armes survenus au Moyen-Age et dont tout le monde se fout, le duché du Grand Fenwick vit de sa propre culture, de ses paysages apaisants et de son eau fraîche. Mais pas seulement !... Fins viticulteurs et distingués buveurs, le fleuron de leur production à l'export n'est rien d'autre que ce fabuleux Pinot Grand Fenwick que le Monde entier leur envie. Au point qu'un fort peu scrupuleux viticulteur californien s'est autorisé de baptiser une de ses cuvées... Pinot Grand Enwick. Le sang des sujets de sa Majesté ne va faire qu'un tour et, foin de lettres de récrimination et de doléances polies, le Grand Fenwick déclare la guerre aux Etats-Unis, ce peuple de butors.
 Ce qui advient ensuite, suite de péripéties sans queue ni tête, fabuleux précipité de burlesque et de situations non-sensiques, en remontrera évidemment aux principes de la logique la plus élémentaire autant qu'à l'art de la guerre selon Sun Tzu...La valeureuse armée du Grand Duché, simplement dotée de casques, côtes de maille, hallebardes et flèches taillées dans les meilleurs arbres, vont repartir à bord de leur voilier avec quelques soldats américains prisonniers, en plus d'un général quatre étoiles, d'un savant plus dangereux qu'Oppenheimer et... d'un prototype d'arme de destruction massive auprès de laquelle la bombe A serait à peine digne d'un lance-pierre. Victoire !

Leonard Wibberley y va fort et ne s'encombre pas de grand chose en terme de réalisme et de véracité géo-politique. Mais sa fable burlesque fit mouche à l'époque, au paroxysme de la guerre froide, n'hésitant pas à tailler ici le portrait de quelques hauts responsables américains et soviétiques qui valent bien les vieilles ganaches stupides de Docteur Folamour. Plus inquiétant, il se pourrait bien tout compte fait  que cette allégorie pacifiste un peu foldingue trouve quelques échos désagréables à notre époque Poutinotrumpiste des plus rances.

M'enfin, comme dirait cet autre grand philosophe à hamac qui a du lire Le droit à la paresse et quelques autres joyeux anars, il n'y a pas de mal à se faire du bien avec un roman écrit à une époque où l'on plaçait encore le bon vin, les jolies filles, l'amour des fleurs et des moineaux avant ces idées avariées de progrès, de profit, et de canons plus gros que le tien. Héros-Limite réédite ce petit bijou en reproduisant tels quels les illustrations que le grand Siné avait produites pour la première édition française, chez Fasquelle. Ce qui en fait un irrésistible volume digne de figurer dans toute bibliothèque de l'honnête homme qui se respecte.

Siné... Encore un de ces types, comme Gébé, comme Reiser, Wibberley ou Lagaffe, qui avait le sens des valeurs. Et vive le duché du Grand Fenwick ! 

Signé: RongeMaille


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