De mémoire de lecteur, on n’a jamais lu ça. Le dictionnaire khazar de Milorad Pavic est un de ces olni non identifiables que Belfond publia dans les années 80 avant de disparaître des radars, ce qui demeure un scandale. Grâce en soit rendu aux jeunes et frétillantes éditions Le Nouvel Attila car, pour le coup, cette œuvre invraisemblable écrase pour de bon toute concurrence en ces fêtes de noël.
Les Khazars, quoi qu’est-ce ?… Une civilisation sans doute éteinte durant le VIII° siècle qui fut ensevelie dans l’oubli par l’émergence des trois grandes religions monothéistes d’abord (la conversion du kaghan khazar à l’une d’elle, le judaïsme, lors de la fameuse polémique khazar, est au cœur du livre) et par les mouvements migratoires qui agitèrent le monde entre les Balkans et l’ Orient.
Milorad Pavic était un éminent professeur de lettres classiques et un véritable érudit qui savait aussi, de toute évidence, utiliser son savoir encyclopédique à des fins poétiques et burlesques. Ici, il vous est raconté comment des hordes de scribes ont récité durant des années à des perroquets jusqu’à ce qu’ils sachent jusqu’au bout des ailes l’intégralité du dictionnaire khazar. Comment le kaghan jura de se convertir à une des trois religions après avoir entendu l’interprétation d’un de ces rêves par un représentant chrétien, puis musulman, puis juif. Comment tel cavalier montait un étalon si élancé que le bruit de son galop s’espaçait de plus en plus (tendons l’oreille car on l’entend toujours aujourd’hui : une fois par jour).
Ce dictionnaire est à l’image du vase khazar, bête objet dans lequel vous pouvez jeter tout ce que vous voulez et entendre quelque chose y faire plouf quelques minutes plus tard. Y passer tout votre bras même si ça n’est pas possible. C’est un livre sans fond, sans fin. Vous pouvez y passer votre vie. C’est les Mille et une nuits trouvées à Saragosse, le Livre des Livres réécrit par Borgès.
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