Cette correspondance entre Pierre Boncenne et Simon Leys a ceci de particulier qu’elle a été littéralement dévorée par les flammes. Boncenne y raconte comment, après l’incendie de sa maison, la quasi intégralité de ses lettres étaient parties en fumée. C’est pourquoi ce recueil se comporte comme un abécédaire un peu foutraque, sans repère visible dans le temps, tout en restituant les pensées du grand sinologue, alors exilé en Australie.
C’est un régal de lire cet homme à la culture immense, qui portait alors un regard acide bien que bienveillant sur le petit monde bien lointain des universitaires germanopratins à qui il ne manquait pas d’adresser quelques piques sévères. On comprend pourquoi Leys était parti, pour se rapprocher de l’Orient sans doute, sa terre de passions, et observer ainsi de loin ses anciens collègues.
Il y parle de ses lectures, de ses découvertes, relit Balzac, découvre Coetzee, défend bec et ongle le romancier Lucien Rebatet tout en rappelant la saloperie de l’écrivain collabo, parle de la folie de Céline qui excuse, selon lui, son antisémitisme délirant, conseille à son ami telle traduction de quelque grand classique chinois plutôt que telle autre, ratatine le philosophe Alain Badiou en peu de mots: « … c’est simplement opaque à propos de rien ».
Pierre Boncenne fait souvent appel à sa mémoire, faute de pouvoir relire ces lettres disparues, et se montre lui aussi d’un bel esprit acéré. Ainsi sur tel célèbre « intellectuel » à chemise blanche:
« Mais de temps à autre, une nouvelle cabriole de BHL pouvais nous divertir: son aptitude à disserter sur n’importe quel sujet en commençant par se faire prendre en photo nous épatait vraiment. »
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