31/08/2016

SANG-DE-LUNE de Charlotte Bousquet

ATTENTION GROSSE CLAQUE !
De quoi parle Sang-de-lune ? De la liberté d'aimer, de choisir son destin, de la construction de soi et du courage qu'il faut pour y arriver. De la condition des femmes aussi, enfin surtout de l’oppression et des violences faîtes aux femmes en fait. Mais rassurez-vous ce n'est qu'une fiction, l'histoire se passe dans une cité FICTIVE ! Toutes ressemblances avec la réalité seraient fortuites... enfin si ça vous aide à dormir de le penser à vous de voir.

A Atla, les femmes, les sang-de-lune, les impures, sont soumises aux fils-du-soleil, les hommes, les tout-puissants. La jeune Gia a toujours vécu dans cette cité, comme les autres elle avance courbée et suit les règles, mais sa petite sœur, Arienn, est bien plus rebelle. Elle ne rêve que de liberté et d'ailleurs, mais les villageois y voient le signe du mal qui ronge toutes les femmes. Lorsque le mariage de Gia est annoncé, tout s'accélère pour les deux sœurs, une fois soumise à son mari elle ne pourra plus protéger Arienn. Par amour pour sa sœur, Gia, va trouver le courage de briser ses chaines et pour la première fois de sa vie choisir sa route. Une route sombre, semée de pertes, de douleurs mais aussi de rencontres toutes droit sorties de son passé. Motivée par un mélange de culpabilité, de peur et de désir de vengeance Gia parviendra-t-elle à se libérer de son éducation et de ses croyances ?
Même dans une société où la peur, la violence, l'obéissance aveugle dominent tout et anesthésient les cœurs, il y a encore de l'espoir et des personnes assez courageuses pour se battre, changer les choses et aimer.
"La peur aveugle. La peur étouffe, La peur est une arme d'oppression."
Charlotte Bousquet nous offre ici un roman qui fait vraiment réfléchir sur la condition des femmes dans le monde, l'oppression sociale et religieuse, la banalisation de la violence. Voilà, si vous voulez mon avis, un livre qui devrait être étudié en cours. Car chaque personne, fille ou garçon, devrait, aujourd'hui, savoir qu'elle est libre de choisir sa vie.

Merci M'dame !
Je parle de ce livre dans Les sales mômes sur Divergence FM pour écouter c'est par ici => 💕


Signé : 

29/08/2016

LE ZEPPELIN de Fanny Chiarello

Au cœur de cette période que j’exècre  pour son hypocrisie totale (quand j’ai une idée dans la tête, je n’en démords pas) - la rentrée littéraire- un BOUM retentit !

Ce BOUM c’est la déflagration que provoque la lecture du Zeppelin de Chiarello. Elle a mis le paquet cette année (de ça je vous avais déjà causé), elle nous avait pourtant prévenue la madame Chiarello. Elle s’apprêtait déjà avec Le tombeau de Pamela Sauvage à nous lâcher la main complétement, on parlait d’OLNI (objet littéraire non identifié), en fait : il n’en était rien.
Le véritable OLNI il est là. Tout entier dans ce Zeppelin.


Quand on ouvre le roman, une sorte de préambule nous accompagne, encore un peu. Ce préambule est notre dernière balise, notre dernier signe tangible de l’auteur. Et puis, la dernière phrase de ce préambule (de mémoire de petite lectrice, je ne me souviens pas avoir déjà lu une phrase si forte)  et BOUM.

Silence. Silence absolu.

Et puis, tatam, tatam, tatam nos cœurs se remettent à battre. Et là, oui, on peut le dire, on a perdu Chiarello. Nous n’avons plus le choix, nous avons tout à faire, tout seul, avancer dans son texte en acceptant le postulat de départ : ne plus avoir de ses nouvelles, ne plus percevoir de codes confortables, ne plus chercher à comprendre, ne plus reconnaître tout ce que l’on reconnaît dans un roman. Nous n’avons plus qu’à avancer en acceptant de n’entendre que nos battements de cœur.
Nous n’avons plus qu’à rencontrer ces 13 portraits d’anti héros, tous touchés par le passage au-dessus de leur territoire « La Maison »  d’un zeppelin, dont nous rencontrerons aussi l’équipage.
Nous n’avons plus qu’à les regarder, ces gens de rien, se plier à la danse du zeppelin, à épier leurs petites lâchetés, leurs peurs dues à l’ignorance, et à baisser les yeux, car faute de reconnaître les codes du roman, on reconnaît bel et bien, les nôtres, ceux du genre humain.
C’est loufoque, c’est barré, c’est souvent, très souvent drôle ! C’est un hommage de l’intérieur à Brautigan et aux films catastrophes. Indéniablement. Nous errons rue Canard Bouée ou rue Saint-Divan, nous croisons des hommes, des femmes, des jeunes, des vieux. On écoute de la musique certaines fois.
Nait alors, sous nos yeux un portrait, sorte de carte déformée de notre société occidentale malade.
Nait alors, sous nos yeux la confirmation absolue et jamais didactique ni-même solennelle, du fait que les monstres que nous croisons de plus en plus souvent, nous les avons en fait fabriqué de toutes pièces.
Ces éléments nous apparaissent plus nettement une fois le bouquin refermé. Une fois que nous sommes sortis de la poésie absolue de la balade, une fois que riche du texte et de l’écriture, nous reconnaissons les détails dans nos vies ordinaires de gens de rien.
6 versions ont précédé celle-ci, il aura fallu 10 années à l’auteur pour laisser s’envoler ce Zeppelin. Aucun mal à avaler ces données. BOUM, je vous ai dit. 

Juste BOUM.

Le grand luxe serait de vous procurer tout en même temps Jerespire discrètement par le nez, qui n’est autre qu’une clé, plus rassurante en soi, pour parfaire la lecture de ce texte. Et là, oui, votre escapade sera totale. Radicale et exigeante. Hors de toute zone de confort. L’exotisme absolu. Pas facile, ça non, mais total.

Vous voilà prévenus.


24/08/2016

LES SORCIERES DE LA REPUBLIQUE de Chloé Delaume

Au cœur de cette période que j’exècre  pour son hypocrisie totale (j'ai décidé de façon totalement arbitraire de commencer tous mes articles sur les livres sortis à cette date, de cette manière, veuillez par avance me pardonner) - la rentrée littéraire- lire Les sorcières de la République c'est un peu comme assister à un spectacle total, vertigineusement réussi, au cours duquel on aurait envie de crier "mais quel miracle mon dieu !"

Chloé Delaume que j'avais déjà lu mais que j'avais surtout vu sur scène et dont la générosité m'avait très largement séduite, signe là, un roman dont je vais avoir bien du mal à vous exposer l'enthousiasme qu'il a suscité pour moi.

Je vais donc commencer par me tenir à la rampe des faits. 2062, en France. Au (feu) stade de France, nous assistons yeux écarquillés au procès de la Sibylle. Reprenons, en 2012, comme la fin du monde n'a pas eu lieu, le Parti du Cercle (soit les déesses grecques descendues de l'Olympe) instaurent un matriarcat et place en présidente de la république Elisabeth Ambrose. Sauf que trois ans plus tard, soit en 2020, la population vote pour Le Grand Blanc : une amnésie collective de trois années, ni plus, ni moins. Revenons en 2062 au feu stade de France, la Sibylle (Parti du Cercle) est jugée pour cet acte. Le président de la république est alors Barnabé Pouguel-Castelain. Un jeune homme adoré par la population.

Delaume construit son roman sur des chapitres qui à eux tous constituent les 5 jours et 5 nuits du procès.
Les sous-chapitres peuvent être les commentaires de la journaliste télé (type BFM) qui travaille 24h/24h. D'autres les interventions de la Sibylle qui retrace le cheminement de son parti et justifie la proposition du référendum pour ou contre le Grand Blanc. D'autres encore des messages envoyés par l'Etat pour nettoyer les cerveaux ! Ainsi ces sous-chapitres peuvent s'intituler #live, ou #load ou encore #warning.

Là, là, vous le percevez le savant mélange mythologie/présent/futur si proche que l'on finirait presque par le gober tout cru ? Vous l'apercevez cette boucle historique que nous met sous le nez Delaume au sommet de son art ?

Ecoutez, c'est pas compliqué, l'image qui me vient systématiquement quand je souhaite parler de ce roman à mes proches, c'est le cerveau de l'auteur branché sur des machines ! C'est 2000 ans d'histoire des femmes et de leur oppression qu'elle aurait à elle seule absorbé aussi ! Il en résulte une lecture qui fait pousser des petits cris jubilatoires, des cris d'effrois, des cris perçants, des hurlements de rire ! L'antidote ? Une seconde lecture crayon en main, où l'on s'arrête à chaque page, pour noter, souligner, entourer ! Mais quelle justesse, quelle clairvoyance et lucidité sur notre époque. Le mystère résidant dans le fait que l'auteur n'aurait oublié aucune ramification de notre société malade : attentats, politiques, outils de communication, consommation, famille, morale, éthique, sexualité etc...
Dieu du ciel, mais où habite donc le dealer génial de Delaume ?
Il me faut, oui, il me faut son adresse ! Là, voyez-vous, si nous étions dans le roman, un message de prévention contre les méfaits de la drogue surgirait, il serait suivi d'un conseil de visionnage de vidéo de chaton, histoire d’apaiser nos cerveaux choqués !

Du pur délire de haute volée, réussi comme ce n'est pas permis, écrit d'une main de grandE maître. A moins qu'il ne s'agisse d'une prêtresse, allez savoir !

22/08/2016

LE MESSIE DU DARFOUR de Abdelaziz Baraka Sakin

Vous ne comprenez rien à la guerre du Darfour, vous n'y avez jamais rien compris. Ce que vous en savez tient en quelques images choc d'un gamin décharné accroupi dans le sable, d'ossements humains exhumés des cendres d'un village en ruine à la pointe d'un fusil, de camps immenses où viennent se parquer des milliers d'êtres humains chassés de chez eux, de stars hollywoodiennes serrant dans leurs bras des rescapés du massacre sous le crépitement des flashs.

Vous ne comprenez rien à la guerre du Darfour, et après avoir lu le roman d'Abdelaziz Baraka Sakin, vous n'aurez pas mieux compris pourquoi ces gens meurent, au nom de quels enjeux politiques, territoriaux, ethniques, religieux, tribaux, archaïques, séculaires et oubliés des centaines de milliers de personnes sont mortes et plusieurs millions déplacées loin de leur maison.

Vous vous sentirez soulagé de comprendre,en lisant ici et là les analyses de "spécialistes" de la région, de tous ces experts, de tous ces historiens bref, de ceux qui ont compris, que les avis divergent sur les origines du conflit et que personne n'arrive à s'entendre sur ce qui se passe exactement là-bas. Vous ne comprenez rien à ce qui se passe au Darfour, et ceux qui la subissent non plus. Pas plus que ceux qui la font. 
C'est peu dire que Le messie du Darfour vous en met une bien bonne, c'est un livre qui vous assomme. Son écriture va au plus loin des turpitudes humaines et ne nous épargne rien. Le pire que vous puissiez vous imaginer s'y trouve, cadavres putréfiés, gamines écartelées, enfants égorgés, vendus, violés, massacrés. Sakin parle de la guerre comme elle est, sous le rire fou des égorgeurs fanatisés, des soldats indifférents, d'une communauté internationale outrée.

Le regard porté sur cette guerre par l'écrivain soudanais va bien plus loin que la tristesse,  la compassion, l'appel à l'aide et la commisération. Comme tout un peuple, on sent que Sakin est au-delà de tout cela, le ton de son livre en témoigne qui, et c'est là qu'il vous cloue le bec, finit par vibrer d'un rire de gorge qui vient de loin... Et finit par verser dans une sorte de loufoquerie sanglante, autour de personnages qui sont depuis longtemps au-delà de la douleur, du chagrin, de la pitié, de la compassion et de toute illusion.

Au coeur du Messie du Darfour, la belle Abderahman, au prénom si masculin mais à la beauté marquée d'une cicatrice sur la joue, unique rescapée de sa famille massacrée, plusieurs fois violée par ces chiens de janjawids, ces miliciens issus des tribus arabes et utilisés par les forces gouvernementales comme ligne de front contre les insurgés. Abderahman va mettre la main sur le beau Shikiri, enrôlé de force dans l'armée, à qui elle fait promettre de lui ramener au moins dix janjawids afin de leur dévorer le foie. Abderahman qui, habituée à utiliser son corps, raconte comment elle a tué un janjawid qui lui était passé dessus:

- Où as tu caché le corps ? lui demanda Shikiri.
- Toi et moi, ma mère et ton ami, on a déféqué dessus tous les jours. J'ai du verser un sac de plâtre sur l'emplacement, celui qui restait quand on avait refait les murs de la maison lors du dernier aïd. Après quoi on a cessé de sentir cette odeur de merde dans les toilettes, avait-elle répondu.

Femme de tête éperdue de vengeance, mais d'une vengeance froide, elle est le pendant sauvage, sans doute inversé de ce drôle de personnage qui donne son titre au roman de Sakin, oasis d'irréalité dans ce paysage de cauchemar, se fait appeler Jesus, invite tout un chacun à le rejoindre dans la foi et la paix et sait transformer une plume en oiseau:

- Je peux vous garantir la vie éternelle, mais je ne peux vous épargner la mort maintenant.

L'armée venue l'arrêter dans ses extravagances, voyant en lui l'ultime rempart à la sauvagerie ambiante, avance avec, dans sa cohorte, des charpentiers chargés de construire des croix sur lesquelles Jesus et ses disciples seront suppliciés. Et plus la cohorte avance, plus le temps file, et plus les fidèles seront nombreux, et le travail des charpentiers important.
L'ultime chapitre du livre, intitulé La procession est à ce titre phénoménal: jamais on ne se serait imaginé pris à ricaner comme un tordu à cette litanie de sentences apaisées et de soudaine aspiration au divin, après avoir trempé jusqu'aux genoux dans cet océan de mort. 

La politesse du désespoir sans doute, la grandeur de la littérature sûrement. Une grandeur que Abdelaziz Baraka Sakin aura payé de sa liberté puisque, obligé de s'exiler en Europe, il est attendu chez lui le couteau entre les dents par un régime soudanais qui n'a pas apprécié ses manières de voir, ni ses manières de dire...

On aura pas encore tout compris du conflit au Darfour, mais on aura au moins compris ça: on vient de tomber sur un sacré écrivain.

Signé: RongeMaille


18/08/2016

À LA FIN LE SILENCE de Laurence Tardieu

Laurence Tardieu a pour habitude de "murmurer" des histoires de vie qui me bousculent, me touchent, m'agrippent... À la fin le silence ne m'a absolument pas déçue.

La narratrice, enceinte de quelques mois, se prépare à vendre sa maison d'enfance, elle veut écrire l'histoire de cette maison, sa famille, ses parents, sa mère, ses grands parents italiens, les odeurs, elle veut tout nous raconter ... pour ne rien oublier, et rapidement, je sais qu'elle nous emmène au plus profond de nous, le 7 janvier à midi dix, dans les bureaux de Charlie Hebdo.

Nous allons revivre avec elle ce basculement vers l'horreur, ce basculement vers la peur. En état de sidération, l'écriture perd toute ponctuation jusqu'à nous rendre ivres de mots .

" Depuis le 7 janvier, tout est devenu poreux, l'effondrement s'est infiltré jusque sous ma peau. Le monde m'est rentré sous la peau. "

Et la vie continue, ponctuée par la terreur des attentats et ... de cet enfant qui va naître... 

Laurence Tardieu nous offre l'occasion de pleurer tous ensemble sur le monde devenu fou puis de relever la tête bien haute pour lutter contre cette guerre barbare qui nous a piqué notre innocence !
 signé: Mère grand

CHANSON DOUCE de Leila Slimani

Dans le jardin de l'ogre son premier roman paru chez Gallimard , Leïla Slimani nous avait fait la promesse de devenir une auteure à ne pas perdre de vue ... 

Cette année, elle confirme donc ce que je pensais avec Chanson Douce ! Cette femme a du talent !

D'un fait divers sordide, elle va autopsier toute la société : Louise est une nounou exemplaire, elle va s'occuper de deux bambins issus d'une famille quasi idéale (si on ne regarde pas trop dans les coins ...) elle va devenir le rouage indispensable au mécanisme fragile de cette famille. 

Roman très court et percutant , Leïla Slimani marque de son empreinte cette rentrée littéraire.






Signé : Mère Grand